Chirurgie : Quel est votre diagnostic ?

Dr Sarah DEGAND, Dr Marcos GARCIA, Dr Fabrice BERNARD (CHV Saint-Martin)

Face à un animal présentant une paralysie de la queue, la réalisation d’un examen neurologique et orthopédique reste indispensable.
Une Chienne stérilisée croisée Labrador de 5 ans est présentée pour une paralysie aiguë de la queue évoluant depuis 12 heures. La propriétaire rapporte une baignade en eau froide la veille du début des symptômes. L’épisode a commencé par une douleur au niveau de la base de la queue puis immédiatement après le port de la queue était modifié.

Photo 1 : Port de la queue la veille du début des symptômes

Photo 2 : Port de la queue lors de la première consultation, en intérieur

OBSERVATIONS
1. Effectuer un examen clinique rigoureux

Aucune anomalie n’est notée à l’examen général excepté son port bas de queue. La base de la queue est tendue, les poils de cette zone sont hérissés et les mouvements volontaires de celle-ci sont conservés. Tandis qu’à partir de la 9e vertèbre caudale, à 9 cm de son début, elle devient flasque et ne présente pas de mouvements volontaires. Aucune abrasion cutanée n’est visible, aucune tuméfaction n’est sentie. A l’examen neurologique, une légère dorsalgie à la jonction thoracolombaire est mise en évidence. La nociception est présente sur l’ensemble de la queue, remarquant une douleur au niveau de la 9e vertèbre caudale et à la mobilisation de celle-ci. Le reste de l’examen orthopédique ne présente pas d’anomalie.

2. Effectuer des examens complémentaires

Des radiographies en vue dorso-ventrale et de profil droit de la queue sont réalisées  Elles montrent l’intégrité de tous les espaces intervertébraux avec un alignement correct de la queue. Une discrète prolifération osseuse entre les vertèbres caudales Cd14-15, Cd15-16 et Cd16-17 est visualisée, pouvant être compatible avec des changements dégénératifs (ostéophytes). Aucune anomalie des structures extra- osseuses n’est visible sur ces clichés radiographiques. La jonction lombosacrée ne présente pas d’anomalie radiographique. Ces images radiographiques ne sont pas en mesure d’expliquer les symptômes.

Photo 3 : Radiographie de la queue en vue ventrodorsale (VD) : G indiquant la gauche, le cercle bleu correspond à la zone douloureuse à la palpation, les flèches rouges correspondent aux ostéophytes observés.

Photo 4 : Radiographie de la queue en vue de profil droit : le cercle bleu correspond à la zone douloureuse à la palpation, les flèches rouges correspondent aux ostéophytes observés.

3. Le diagnostic est… :

Au vu de la présentation clinique, des images radiographiques et de l’évolution clinique, l’étiologie la plus vraisemblable est un syndrome de la queue morte, connue dans la littérature anglophone sous le nom de “limber tail syndrome”.

4. Proposer un traitement

Du fait de la douleur présente, un traitement à base d’anti-inflammatoire non stéroïdien a été instauré : le méloxicam a été prescrit à la dose 0,1 mg/kg par voie orale une fois par jour pendant 3 jours. Du repos modéré et une surveillance de l’évolution des symptômes ont été conseillés aux propriétaires.

5. Évolution

Un contrôle clinique 1 semaine après révèle une rémission complète. La propriétaire décrit que dès le lendemain
de la consultation, la paralysie semble s’estomper et que 4 jours après le début des symptômes, le port de la queue est à nouveau normal sans aucune gêne.

DISCUSSION : RETOUR SUR LE SYNDROME DE LA QUEUE MORTE
1. Épidémiologie

Le syndrome de la queue morte est une affection assez rare décrite chez les chiens de grande race (ex. Labrador retriever et Pointer) [2,4]. Elle se présente par une paralysie aiguë de la queue commençant soit dès sa base, soit à environ 8 cm de la base avec une rigidité de la base, accompagnée d’une douleur et de la présence des poils ébouriffés dans cette zone comme dans le cas décrit ici [2-4]. D’après l’étude de Pugh et coll. Publiée en 2016, il ne semble pas que cette affection soit reliée au sexe, au poids, à la taille, à la robe, au milieu de vie de l’animal ni à son activité physique quotidienne [2]. Plusieurs facteurs de risque ont été associés à cette maladie comme la nage (76 % de cas), la baignade en eau froide (51 % des cas), l’effort intense, le transport long en cage ainsi que le changement de climat (exposition au froid et à l’humidité) [3,4]. Dans notre cas, les symptômes sont apparus le lendemain d’une baignade en eau froide.

2. Diagnostic

Le diagnostic de cette affection est établi sur la base de l’anamnèse et des symptômes observés. Il est possible de réaliser une mesure de la concentration sérique de la créatine kinase (CK) rapidement après l’apparition des symptômes, dont l’augmentation peut être secondaire à un stress musculaire [4]. La mesure de la concentration sérique de la créatine kinase a une spécificité de 98 % pour les affections des muscles squelettiques chez le Chien [4]. Elle revient dans les valeurs usuelles entre 12 à 48 heures après le début des symptômes[5]. Ce dosage n’a pas été réalisé pour le cas décrit du fait de la présentation tardive de l’animal en consultation (>12 heures après l’apparition des signes cliniques). La réalisation de biopsies musculaires coccygiennes n’est pas recommandée du fait du risque de causer des dommages neurologiques rréversibles [4]. En effet, les muscles coccygiens sont très fins et les nerfs sont à proximité immédiate de ces muscles [1]. Une IRM lombosacrée peut mettre en évidence des lésions musculaires des muscles sacrocaudalis dorsalis lateralis, caractérisées par des lésions hyperintenses en pondération T1, T2 et STIR et un rehaussement en périphérie en ponderation T1 après injection de produit de contraste [6]. L’IRM permet également d’exclure les autres hypothèses du diagnostic différentiel.

3. Traitement et évolution

L’instauration d’un traitement médical à base d’anti-inflammatoires non stéroïdiens peut accélérer la guérison et améliorer le confort de l’animal [1]. C’est ce qui a été fait dans notre cas. D’après l’article de Harvey N, les symptômes durent en moyenne 3,5 jours, avec une variabilité de quelques heures à 10 jours [3]. Dans notre cas, les symptômes ont duré moins de 4 jours. Le pronostic est en général bon et moins de 50 % des cas montrent des récidives [1].

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
  1. Platt SR et coll. BSAVA Manual of Canine andFeline Neurology. Fourth ed. Gloucester : BSAVA ed ; 2014.
  2. Pugh CA et coll. Cumulative incidence and risk factors for limber tail in the Dogslife Labrador retriever cohort. Vet Rec. 2016 ; 179 : 275.
  3. Harvey N. What is causing limber tail syndrome in Labrador retrievers. Vet Rec. 2016 ; 179 : 273-4.
  4. Steiss J et coll, Coccygeal muscle injury in English Pointers (Limber Tail). J Vet Intern Med. 1999 ; 13 : 540-8.
  5. Abbas G et coll. Limber tail syndrome in German shepherd dog. Veterinary Science Development. 2015 ; 5 : 58-60. Consultable sur : https://www.pagepress.org/journals/index.php/vsd/article/view/583. Dernier accès le 28 juillet2022.
  6. Gomes SA et coll. Magnetic resonance findings of presumed limber tail syndrome (caudal myopathy) in a Dobermann. J Small Anim Pract. 2019 ; 60 ; 261.
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