Prise en charge de la dermatite atopique canine
Dr Émilie VIDÉMONT-DREVON (CHV Saint-Martin)
Chez le chien, la dermatite atopique est une dermatose inflammatoire prurigineuse chronique, présentant des signes cliniques caractéristiques et impliquant trois axes principaux: la barrière cutanée, le système immunitaire et l’environnement au sens large (allant de la flore microbienne (microbiote) aux aéroallergènes).
Photo 1 : Dermatite à Malassezia chez un West Highland White Terrier atopique
L’altération de la barrière cutanée tend à augmenter la perte en eau et facilite le passage des allergènes environnementaux au sein de l’épiderme. La réponse immunologique qui en découle est qualifiée d’ « allergique » et fait intervenir certaines cytokines, en particulier de la famille Th2 ou Th22. Cette réponse immunologique inappropriée est responsable, entre autre, d’une production exagérée d’immunoglobulines E (IgE) spécifiques des allergènes environnementaux. De nombreuses voies impliquées dans le prurit sont activées : interleukine-31, certaines protéases et neuropeptides ou encore des enzymes impliquées dans la synthèse d’histamine et des leukotriènes.
Cet environnement cytokinique particulier et le prurit secondaire aggravent le défaut de la barrière cutanée, ce qui aboutit à un cercle vicieux. C’est la théorie « outside-inside-outside » qui prévaut actuellement en médecine humaine et vétérinaire. Par ailleurs, la présence d’une barrière cutanée défectueuse associée à l’inflammation dermique favorise l’adhérence et la prolifération des agents infectieux (bactéries et levures) à la surface de la peau. Ces infections sont responsables d’une aggravation de l’inflammation et du prurit et d’une altération supplémentaire de la barrière cutanée qui aggravent encore les symptômes.
Chez le chien, la meilleure compréhension de la pathogénie de la dermatite atopique a permis de progresser dans sa prise en charge au quotidien et souligne la nécessité d’une approche thérapeutique multimodale et individualisée, comprenant à la fois un traitement de fond et un traitement des poussées inflammatoires.
Bactéries et levures prolifèrent sur la peau et dans les oreilles des chiens atopiques et contribuent à l’aggravation de la maladie et aux poussées inflammatoires. Elles doivent donc être systématiquement recherchées et traitées, par voie topique et/ou systémique selon la localisation des lésions, leur sévérité mais aussi la faisabilité des traitements. Des études sont en cours quant à la modification du microbiome lors de dermatite atopique (phénomène de dysbiose) et son possible impact sur sa prise en charge. L’intérêt sur le long terme de soins topiques respectant la flore microbienne saprophyte tout en prévenant la prolifération des agents pathogènes émerge depuis quelques années. Ainsi, le recours systématique aux antibiotiques ou l’utilisation régulière de topiques désinfectants qui ont pu être préconisés dans le passé sont donc sûrement à relativiser car ils risquent de déséquilibrer d’autant plus le microbiote en décapitant les staphylocoques protecteurs autant que ceux pathogènes. Les pistes actuelles s’orientent vers les topiques contenant ou stimulant la synthèse des peptides antimicrobiens. Depuis peu, des probiotiques (groupe des lactobacilles), destinés aux chiens atopiques, sont également commercialisés sous voie orale et topique. Des études concernant leur efficacité sont, nécessaires mais il s’agit probablement d’une voie très prometteuse.