Predictors of urinary or fecal incontinence in dogs with thoracolumbar acute non-compressive nucleus pulposus extrusion

Relecture par le Dr Antoine BERNARDÉ (CHV Saint-Martin)

 

Cette étude rétrospective britannique résulte d’un travail multicentrique impliquant les universités de Liverpool et du Surrey et deux hôpitaux vétérinaires privés, l’Animal Health Trust et Willows. Un confrère français (Sébastien Behr) fait partie des co-auteurs. Elle s’intéresse aux extrusions discales contusives non compressives (EDCNC), que l’on a coutume d’appeler en français hernies discales intra-médullaires ou de type Funkquist 3.

Les auteurs rappellent que l’extrusion aigüe non compressive du noyau pulpeux du disque inter-vertébral est responsable d’une contusion de la moelle, avec évidence d’une hyper-intensité intra-médullaire à l’IRM, et que la majorité des chiens qui en sont victimes (66% à 81%) sur le secteur T3-L3 récupèrent une locomotion normale sans assistance, avec des capacités mictionnelles et défécatoires complètes [Risio L, Adams V, Dennis R, et al. JAVMA 2009 et Fenn J, Drees R, Volk HA, de Decker S. JAVMA 2016]. Cependant, il aurait été noté que les sujets n’évoluant pas favorablement présentent plutôt des séquelles d’incontinences urinaire et/ou fécale, plutôt que des déficits moteurs et ambulatoires. L’incontinence urinaire (IU) et l’incontinence fécale (IF), définitives, concerneraient respectivement 7,5% et 32% des chiens après extrusion aigüe du noyau pulpeux non compressive sur le secteur T3-L3.

 

Cette étude a eu pour but d’évaluer le caractère prédictif d’IU ou d’IF des éléments sémiologiques, diagnostiques et thérapeutiques chez des chiens affectés de telles extrusions discales sur le secteur T3-L3. En d’autres termes, peut-on prédire quels chiens présenteront ces séquelles au vu des éléments cliniques ?

Dans cette étude, le diagnostic d’EDCNC en T3-L3 a été confirmé quand les critères IRM suivants ont été identifiés conjointement :

-Présence d’une hyper-intensité intra-médullaire focale en T2 en regard d’un espace inter-vertébral de T3 à L3 (Les localisations L3-L4 ont été incluses si les réflexes patellaires étaient clairement en faveur d’une atteinte du MNC);

-Réduction de taille du noyau pulpeux résiduel;

-Présence de matériel extradural non compressif compatible avec un noyau pulpeux hydraté.

 

Un suivi minimum de 16 semaines a été réalisé. L’étude rétrospective des dossiers de ces chiens a permis de faire ressortir les résultats suivants :

187 chiens de races variables (âge médian 6,5 ans ; poids médian 23 Kg) ont été diagnostiqués comme victimes d’EDCNC confirmée par IRM. Ils constituent la plus grosse population jamais étudiée. Tous (même les stades 5 !) ont récupéré une locomotion sans assistance. L’IU et l’IF ont concerné respectivement 9,1% et 23,5% des sujets. Une nette influence du grade a été trouvée : Les sujets paraplégiques ont présenté 3 fois plus de risque d’être incontinent urinaire, et 4 fois plus de risque d’être incontinent fécal par rapport aux non-paraplégiques. Les chiens présentant à L’IRM en T2 une hyper-intensité intra-médullaire dépassant 40% du diamètre médullaire ont eu 4 fois plus de risque de présenter une IU par rapport à ceux ne présentant pas une hyper-intensité intramédullaire aussi étendue (par contre pas d’influence de l’extension longitudinale de l’hyper-intensité, ce qui contredit une étude précédente, et laisse supposer que c’est la destruction de cordons spécifiques de la moelle qui est impliquée dans l’incontinence). L’intérêt des AINS semble démontré : les chiens n’ayant pas reçu d’AINS (n= 106 = aucun anti-inflammatoire ou un corticostéroïde) à l’époque du diagnostic ont présenté 3 fois plus de risque de présenter une IF comparativement à ceux qui en ont reçu (n=81), cette différence étant jugée très significative. Enfin, les chiens qui présentaient initialement des signes cliniques compatibles avec un choc spinal (absence ou diminution transitoire du réflexe de flexion sur au moins l’un des postérieurs en l’absence de lésion IRM sur le secteur L4-S3) ont eu 2 fois plus de risque de présenter une IF par rapport à ceux qui ne les présentaient pas. Les chiens avec une lésion en T11-12, T12-13, ou T13-L1 (“prehypogastric” segments) ont été 2 fois plus à risque de présenter une IF par rapport à ceux présentant une lésion en L1-L2, L2-L3 or L3-L4 (“hypogastric” segments); sans que cette variable soit statistiquement significative (P = .051).

 

Cette étude a le mérite de clarifier ce qu’est une hernie discale contusive non compressive, et d’en éclairer le diagnostic, où l’IRM joue un rôle déterminant. Elle illustre le fait qu’une étude rétrospective, pour peu qu’elle étudie un nombre de cas suffisant, peut livrer des observations cliniques pertinentes. On obtient donc ici plusieurs informations extrêmement utiles au clinicien, permettant d’orienter son discours aux propriétaires. Sur le plan locomoteur, les espoirs de récupération sont élevés chez les chiens affectés en T3-L3 : même les stades 4 et 5 peuvent récupérer une locomotion non-assistée en moins de 16 semaines. Cependant, presque 1 chien sur 4 et 1 chien sur 10 resteront incontinents, fécal et urinaire, respectivement, avec des risques nettement plus élevés chez les chiens aux stades 4 et 5, que chez ceux présentés aux stades 2 et 3. L’administration d’AINS semble préférable à la corticothérapie pour minimiser le risque d’IF.

 

A retenir donc.