Persistance du canal de l'ouraque chez un chiot

Dr Marcos GARCIA, Dr Anne-Charlotte BARROT, Dr Fabrice BERNARD (CHV Saint-Martin)

La persistance du canal de l’ouraque est une anomalie rare et sous-diagnostiquée chez le chien. Un chiot de 2 mois a été présenté pour de l’hématurie. L’échographie a permis la détection d’urolithiases et le diagnostic de persistance du canal de l’ouraque. Le traitement chirurgical a consisté en l’excision complète du canal par une cystectomie partielle. Une amélioration clinique rapide et une restauration de l’aspect normal des urines ont été constatées par la suite. Cette atteinte est congénitale et doit être corrigée lorsque des symptômes urinaires sont présents. Les complications sont rares et le pronostic est très favorable.

CAS CLINIQUE

Un chien de race Tervuren Fauve de 2 mois est présenté en consultation pour une hématurie et une pollakiurie évoluant depuis 15 jours. Un traitement à base d’amoxicilline-acide clavulanique (15 mg/kg 2fois par jour) et de meloxicam(0,1 mg/kg une fois par jour) avait été mis en place par le vétérinaire traitant une semaine auparavant. Aucune amélioration clinique n’avait été notée par les propriétaires depuis le début du traitement. Dans les jours suivants la naissance, une infection superficielle de l’ombilic avait été traitée avec des soins locaux (Bétadine dilué à 10 %).

Un léger retard de croissance par rapport aux autres chiots de la portée est rapporté par les propriétaires.

Examen clinique

Aucune anomalie n’est notée à l’examen général. L’ombilic est bien cicatrisé.

Hypothèses diagnostiques

Considérant l’anamnèse d’une infection de l’ombilic à la naissance, la persistance du canal de l’ouraque est suspectée ainsi qu’une infection urinaire secondaire expliquant l’hématurie.

La présence d’un shunt porto-systémique ne peut pas être écartée car celui-ci favorise le développement des calculs d’urate qui pourrait être à l´origine des symptômes.

Examens complémentaires

Le bilan biochimique et le dosage des acides biliaires (préprandial et postprandial) sont dans les normes ce qui permet d’écarter l’hypothèse d’un shunt portosystémique.

L’échographie abdominale a permis de diagnostiquer une persistance du canal de l’ouraque s’étendant de l’apex vésical jusqu’à l’ombilic, au sein duquel sont présents des calculs. Un hématome vésical et la présence de plusieurs calculs vésicaux son identifiés.

Photo 1 : Coupe longitudinale au pôle crâniale de la vessie à l’échographie.
A -> Vessie en coupe longitudinale.
B -> Anses intestinales en coupe longitudinale.
C -> Canal de l’ouraque avec des calculs à l’intérieur en continuité avec la vessie au niveau de son apex.
© Service d’imagerie médicale CHVSM

 

Les radiographies abdominales n’ont pas montré d’anomalie.

Une analyse urinaire (bandelette, culot et densité) est effectuée. L’urine est de couleur rougeâtre avec une densité de 1,050. La bandelette urinaire montre des traces de protéines et un pH de 8. L’examen du culot met en évidence la présence de cristaux de struvite et des bactéries en forme de coques.

Diagnostic

Le diagnostic d’une persistance du canal de l’ouraque compliqué par une infection urinaire et la présence de calculs est établi.

Traitements
Traitement médical

Le chiot est placé sous perfusion Ringer Lactate 3 mL/kg/h et l’antibiothérapie est poursuivie (amoxiciline-acide clavulanique 20 mg/kg 2 fois par jour).

Traitement chirurgical

Anesthésie

Après prémédication intraveineuse (IV) lente avec du diazépam (0,25 mg/kg) et de la morphine (0,2 mg/kg), l’induction est réalisée par une injection IV de propofol à 2 à 4 mg/kg jusqu’à effet. Un relais avec de l’isofluorane 2 % associé à de l’oxygène 100% est mis en place après une intubation trachéale.

Le chiot a été positionné en décubitus dorsal et il a été préparé aseptiquement pour l’intervention.

Principe

Le principe de l’intervention est d’exciser complètement le canal anormal, celui-ci est isolé au niveau de l’ombilic et retiré complètement grâce à une cystectomie partielle.

Canal de l’ouraque au contact de l’apex vésical.
© Service de chirurgie CHVSM

 

Réalisation

Dans un premier temps, une incision cutanée circonférentielle autour l’ombilic est prolongée crânialement et caudalement dans le plan médian. Le prolongement du canal de l’ouraque au travers des tissus sous-cutanés et de la paroi abdominale est isolé.

Une incision circonférentielle de ce prolongement est réalisée au moment de l’ouverture de la ligne blanche, ceci a permis l’isolement complet en bloc du canal de l’ouraque jusqu’à la vessie.

Canal de l’ouraque et ombilic isolés en bloc.
© Service de chirurgie CHVSM

 

Celui-ci est excisé par une cystectomie partielle par incision circonférentielle de sa connexion au niveau de l’apex vésical.

L’urètre est cathétérisé par voie normograde puis rétrograde avec hydropropulsion afin de s’assurer de l’évacuation du maximum de débris et de la perméabilisation de l’urètre.

Les urines et calculs sont prélevés au cours de l’intervention pour une analyse cytobactériologique et spectrophotométrique.

La vessie est refermée de manière standard par un surjet simple appositionnant à travers les bordes de la sous-muqueuse évitant au maximum de traverser la muqueuse pour ne pas mettre en contact le fils avec l’urine infectée et minimiser le risque de formation des calculs.

Le surjet est commencé au point le plus caudal de l’incision et il est terminé légèrement au-delà de celle-ci sécurisé avec 7 nœuds. Le fils utilisé était un monofilament synthétique résorbable à base de polyglyconate à l’aide d’une aiguille ronde de taille 4-0 (1,5 metric).

Ensuite une omentalization puis une fermeture classique de la ligne blanche, du tissu sous-cutané et de la peau a été réalisée y compris l’apposition du muscle préputial.

Résultats

L’intervention s’est déroulée sans complication. Dès le lendemain de la chirurgie, le chien est en très bon état général, et ne présente pas de douleur pour uriner. L’échographie de contrôle n’a pas mis en évidence d’anomalie.

Le chien est rendu à ses propriétaires dès le surlendemain de l’intervention avec poursuite du traitement médical déjà instauré (amoxicilline-acide clavulanique à 20 mg/kg 2 fois par jour) pendant 15 jours.

Pronostic

Le pronostic est très favorable suite à l’intervention chirurgicale.

Suivi

Le résultat bactériologique révèle la présence de Staphylococcus pseudointermedius sensible à toutes bêta-lactamines. L’analyse spectrophotométrique des calculs constitués à phosphate ammoniac-magnésien.

L’antibiothérapie est poursuivie.

Lors de la réévaluation quinze jours après la chirurgie, le chiot présente un bon état général et des urines de couleur normale. L’analyse urinaire de contrôle (culot, bandelette densité et analyse cytobactériologique) ne montre plus de signes d’infection.

Six mois après l’intervention, le chien est en forme et les propriétaires ne rapportent aucun signe clinique anormal.

DISCUSSION : Étude de la persistance du canal de l’ouraque
Développe embryonnaire et types d’anomalies de l’ouraque

Le canal de l’ouraque est un reliquat de la communication allantoïdienne qui se développe pendant la vie fœtale chez les mammifères. Celui-ci permet le passage de l’urine de la vessie fœtale au placenta. Chez la majorité des individus, il régresse et devient non perméable. Un défaut de cette communication allantoïdienne est à l’origine de différentes anomalies qui ont été classées en cinq types en fonction de leur localisation et de leurs caractéristiques anatomiques : le canal de l’ouraque (communication entre l’ombilic et la vessie), le sinus de l’ouraque (l’extrémité ombilicale est ouverte mais il n’y a aucune communication avec la vessie), le diverticule de l’ouraque (forme un capuchon sur la vessie), le kyste de l’ouraque (partie centrale du tractus est distendue et se remplit de liquide) et le ligament de l’ouraque (la totalité du tractus persiste sous forme de cordon) [1].

Signes cliniques

Assez souvent, les chiens atteints restent asymptomatiques et le diagnostic se fait de manière fortuite. Seules les complications secondaires à la rétention d’urine dans la vessie entraînent l’apparition de signes cliniques [2]. Dans notre cas il s’agit d’une persistance complète du canal de l’ouraque qui a provoqué sans doute une rétention d’urine à l’origine d’une infection entraînant les symptômes urinaires.

Diagnostic
L’utilisation des techniques d’imagerie avancées

Le diagnostic a été effectué par échographie abdominale. L’urographie excrétoire ou l’urétrographie rétrograde son aussi recommandées pour détecter et documenter ce type d’anomalie ainsi que les complications associées (ex. présence d’urolithes) [1,3]. Pour des raisons financières, ces examens n’ont pas été effectués.

Les calculs de struvite sont souvent visibles à la radiographie car ceux-ci sont radio-opaques. Toutefois les calculs de taille inférieure à 1 mm ne peuvent pas être visualisés à la radiographie, tel que dans le cas présent [4].

Des calculs de struvite d’origine primaire infectieuse

Dans ce cas clinique, la formation des calculs de struvite pourrait être d’origine infectieuse car ce type de calculs peut se former dans des urines alcalines suite à l’activité de bactéries productrices d’uréase. Ces agents pathogènes ont la capacité d’hydrolyser l’urée en ammoniac, bicarbonate et carbonate résultant en une augmentation du pH de l’urine. Ceci favorise une sursaturation urinaire des ions nécessaires à la formation d’urolithes de phosphate d’ammonium magnésium. Plusieurs études rétrospectives ont démontré l’association fréquente entre la présence de Staphylococcus spp. et le développement d’urolithes de struvite dans les urines [5, 6].

Traitement chirurgical

L’excision chirurgicale complète du canal de l’ouraque est considérée comme le traitement de choix [7].

Le canal d’ouraque est en continuité avec la vessie au niveau de son apex et la ligature de celui-ci pourrait permettre la persistance d’une portion du canal ou d’un diverticule qui pourrait favoriser une récidive de l’infection urinaire ou de la formation de calculs. Pour cette raison, l’excision complète du canal nécessite l’incision circonférentielle pleine épaisseur de la paroi de la vessie.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
  1. Sebastian Marcos P et coll. Unusual urachal remanant disease in a six-month-old golden retriever. BMJ Vet Rec Case Report. 2017; 4.
  2. Sojszczyk-Szczepaniak A et coll. Congenital urachal diverticulum in dogs : a case report. Medycyna Wet. 2010; 66: 421- 24.
  3. Steiner A, Lejeune B. Ultrasonographic assessment of umbilical disorders. Vet Clin North Am Small Anim Pract. 2009; 25 : 781–94.
  4. Tion MT et coll. A review on urolithiasis in dogs and cats. Bulgarian J Vet Med. 2015; 18: 1-18. Consultable sur : http://www.uni-sz.bg/bjvm/BJVM-March%202015%20p.1-18.pdf. Dernier accès le 26 février 2019.
  5.  Perry LA. et coll. Evaluation of culture techniques and bacterial cultures from uroliths. J Vet Diag Invest. 2013; 25: 199- 202.
  6. Won-Seok Oh, Tae-Ho Oh. A case of struvite urolithiasis in a one-month-old Korean Sapsal dog. J Vet Clin. 2010; 27: 453-6.
  7. Laverty, PH, Salisbury SK. Surgical management of true patent urachus in a cat. J Small Anim Pract. 2002; 43: 227–9.
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