Ophtalmologie : Quel est votre diagnostic ?

Dr Thomas DULAURENT, Dr Pierre-François ISARD (CHV Saint-Martin)

Un Border Collie femelle d’un an a été présenté en consultation pour une altération de la vision, identifiée depuis le plus jeune âge, et se dégradant peu à peu. La photographie montre l’aspect du fond d’œil droit après dilatation pupillaire obtenue par instillations locales de tropicamide (Mydriaticum ®). La vidéo est l’examen ophtalmoscopique du même œil.
L’œil gauche présente des anomalies similaires.

Aspect du fond d’œil droit

Quelles sont les anomalies visibles ?

Toutes les structures qui composent le fond d’œil sont modifiées.

  • La tête du nerf optique est beaucoup plus volumineuse qu’à l’état normal. Elle n’est pas dans le même plan que le reste du fond d’œil et semble excavée. Il est même impossible de faire le point sur la tête du nerf optique avec l’ophtalmoscope, tellement elle se trouve dans un plan profond.
  • La vascularisation rétinienne est désorganisée. Les vaisseaux rétiniens sont peu nombreux et plongent vers la tête du nerf optique (notamment dans sa portion ventrale).
  • La vascularisation choroïdienne est anormale et ne suit pas l’organisation radiaire habituelle. Les vaisseaux ont une disposition erratique qui ne suit aucun schéma précis. C’est notamment visible en région temporale.
  • La pigmentation choroïdienne est très variable. Elle est absente en région temporale, intermédiaire en région ventrale et plus dense en région dorsale.
  • Le tapis présente un aspect plus classique, avec toutefois de nombreuses plages d’hypoplasie matérialisées par des zones pigmentées.

 

Quel est le diagnostic et quels sont les éléments épidémiologiques et physiopathologiques de ce syndrome ?

La patiente présente un volumineux colobome de la tête du nerf optique, une hypoplasie/dysplasie choroïdienne et une dysplasie rétinienne. Ces éléments sont caractéristiques d’un syndrome appelé Anomalie de l’Oeil du Colley (AOC).

L’Anomalie de l’Oeil du Colley est un syndrome se caractérisant par une anomalie de développement de la portion postérieure des tuniques vasculaire (choroïde) et fibreuse (sclère), impliquant aussi parfois la rétine. La pathogénie de ce syndrome est associée à une différenciation anormale du mésoderme, ayant des conséquences sur la sclère, la choroïde, la tête du nerf optique, la rétine et la vascularisation rétinienne. Les conséquences sur la vision peuvent être nulles pour les formes les moins sévères, ou bien plus graves avec une cécité totale pour les formes les plus avancées.

L’AOC est la plupart du temps bilatérale. Il n’y a pas de prédisposition de genre. Une très forte prédisposition raciale est décrite avec une majorité de bergers (Colley et Border Collie notamment). Il s’agit d’une affection congénitale et héréditaire. Le mode de transmission fait encore l’objet de recherches mais l’hypothèse principale reste une transmission selon un mode autosomique récessif.

L’AOC se manifeste toujours au moins par une hypoplasie choroïdienne, matérialisée par une vascularisation erratique de la choroïde, la plupart du temps en région temporale. Cette anomalie est d’autant plus visible que la choroïde est dépigmentée et que le tapis n’est pas présent. Dans certains cas, l’AOC se traduit aussi par la présence d’un colobome de la tête du nerf optique ou de la région péri-papillaire. Le colobome est lié à une ectasie de lame criblée de la sclère (Lamina cribrosa). Il peut être partiel et n’impliquer qu’une partie de la tête du nerf optique. Il peut aussi être total (comme c’est le cas ici), ou péri-papillaire. Dans ce cas, c’est la sclère en périphérie de la tête du nerf optique qui est impliquée. Le colobome, lorsqu’il est total, peut être responsable d’une perte de vision complète. L’AOC peut enfin se matérialiser par un décollement de rétine, très certainement secondaire au colobome, et par des hémorragies du segment postérieur, associées à la rupture spontanée des vaisseaux rétiniens parfois malformés. Décollements de rétine et hémorragies du segment postérieur sont très souvent associés à des déficits visuels importants.

Il n’est pas rare d’observer d’autres anomalies de développement associées à l’AOC (microphtalmie, anomalies uvéales antérieures notamment).

 

Quel est le pronostic ?

Lorsque l’AOC se manifeste par une hypoplasie choroïdienne seule, le pronostic visuel est favorable. Le colobome de la tête du nerf optique peut être asymptomatique lorsqu’il est peu développé, ou bien provoquer un important déficit visuel allant jusqu’à la cécité lorsqu’il est volumineux, ce qui est le cas ici. Les colobomes sévères peuvent provoquer à terme des décollements de rétine et des hémorragies rétiniennes, pénalisant encore davantage le pronostic visuel.

Il n’existe malheureusement pas de traitement pour cette affection. Une surveillance étroite est recommandée. Les patients atteints doivent aussi idéalement être écartés de la reproduction.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
  • Barnett KC. Collie eye anomaly (CEA). J Small Anim Pract. 1979 Sep;20(9):537-42

  • Bedford PG. Collie eye anomaly in the border collie. Vet Rec. 1982 Jul 10;111:34-5.

  • Bedford PG. Incidence of collie eye anomaly. Vet Rec. 1980 Jul 26;107(4):95.

  • Narfström K, Petersen-Jones S. Diseases of the canine ocular fundus. In: Veterinary Ophthalmology, 4th edn (eds Gelatt KN, Gilger CG, Kern TJ) Wiley-Blackwell, Ames, 2007; 944-1025.

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