Ophtalmologie : Quel est votre diagnostic ?

Dr Thomas DULAURENT, Dr Pierre-François ISARD (CHV Saint-Martin)

Un Cocker femelle de 12 ans a été présenté en consultation d’ophtalmologie pour l’évaluation d’une modification d’aspect de l’œil gauche, survenue brutalement quelques jours plus tôt. La vision ne semblait pas modifiée et le patient ne présentait pas de douleur au moment de l’examen.

QUESTIONS
  1. Commenter la photographie et les éléments observés.
  2. Préciser l’épidémiologie et la physiopathologie de cette lésion.

OBSERVATIONS

Les paupières sont normalement ouvertes et présentent une pigmentation physiologique. La membrane nictitante est très légèrement saillante, probablement davantage en raison du flash de l’appareil photographique qu’à une manifestation douloureuse, par ailleurs non décrite par le propriétaire. Les conjonctives sont peu visibles mais semblent normales. La cornée est le siège d’une effusion sanguine, localisée en région paracentrale supérotemporale. Elle semble alimentée par un réseau de fin néo vaisseaux arborescents, superficiels et localisé en cornée dorsale. L’iris est hors du plan de netteté mais présente des lacunes liées à de l’atrophie. Cette atrophie provoque aussi une modification de la forme de la pupille (dyscorie), sans gravité. Le cristallin est par ailleurs le siège d’une sclérose sénile dense, lui donnant un aspect voilé. Une discrète persistance de la membrane pupillaire est aussi visible sur la capsule antérieure du cristallin, et prend un aspect moucheté et pigmenté caractéristique.

Le signe dominant, qui a justifié la visite en ophtalmologie, est donc une hémorragie cornéenne.

DISCUSSION

L’hémorragie cornéenne est une lésion rare et bénigne, associée à la néovascularisation de la cornée. De nombreux phénomènes pathologiques conduisent au développement d’une néovascularisation de la cornée. Etrangement, l’évolution vers une hémorragie cornéenne est très rare. Seules quelques études épidémiologiques ont été publiées dans la littérature vétérinaire. Ces dernières n’ont pas permis d’identifier de prédispositions sexuelles ni raciales chez le chien, contrairement à l’être humain chez lequel les femmes sont prédisposées. Chez le chien comme chez l’homme, les sujets âgés sont aussi nettement prédisposés. Dans la population canine, aucune association avec une autre anomalie oculaire ou systémique n’a été mise en évidence. Chez l’homme, l’hémorragie cornéenne est iatrogène dans un tiers des cas (suite à une chirurgie de la cataracte ou à une greffe de cornée par exemple), traumatique dans un autre tiers des cas, et liée à une affection cornéenne dans le tiers restant (ulcère de la cornée ou brûlure chimique par exemple).

La physiopathologie de cette lésion n’a pas été clairement élucidée. La néovascularisation cornéenne se définit comme l’apparition de vaisseaux au sein du stroma cornéen normalement avasculaire. Ce processus physiopathologique est sous-tendu par l’hyper-expression locale de facteurs pro-angiogéniques en réponse à une agression tissulaire. Ces nouveaux vaisseaux (néovaisseaux), initialement non matures et mal structurés, possèderaient dans certains cas une paroi capillaire plus fragile et plus prompte à la rupture, notamment chez le sujet âgé. Malheureusement, il n’existe à ce jour aucune étude histologique sur des cornées présentant une hémorragie. Ce type d’étude permettrait d’en savoir plus sur la structure des vaisseaux fragilisés.

Chez le chien, l’hémorragie cornéenne est une lésion bénigne qui se résorbe la plupart du temps spontanément en quelques semaines. Un traitement symbolique par administration locale d’un antiinflammatoire peut cependant être prescrit, même si l’efficacité de ce type de thérapeutique n’a jamais été démontrée. La chirurgie de drainage n’est jamais nécessaire. Une fois l’hémorragie résorbée, une fibrose ou une pigmentation peuvent se développer sur le même site.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
  • Marian Matas, David Donaldson and Richard J. Newton. Intracorneal hemorrhage in 19 dogs (22 eyes) from 2000 to 2010: a retrospective study. Veterinary Ophthalmology (2012) 15, 2, 86–91.

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