Médecine : Quel est votre diagnostic ?
Dr Manon MAESTRACCI, Dr Thomas SIBARITA, Dr Anne-Charlotte BARROT (CHV Saint-Martin)
Un chien Cairn Terrier mâle entier de 8 ans est présenté en consultation d’urgence pour des régurgitations, évoluant depuis trois jours.
Des radiographies thoraciques orthogonales sont réalisées :
Radiographie thoracique, vue latérale gauche
Radiographie thoracique, vue ventro-dorsale
- Interprétez les images radiographiques : quelles sont les hypothèses diagnostiques à envisager au vu des radiographies thoraciques ?
- Quel examen complémentaire à visée diagnostique et thérapeutique est indiqué dans notre cas ? Quelles autres options thérapeutiques auraient pu être envisagées ?
- Quelles sont les complications potentiellement associées à la présence d’un corps étranger oesophagien ? Existe-t-il des prédispositions raciales à cette affection ?
1 . Interprétez les images radiographiques : quelles sont les hypothèses diagnostiques à envisager au vu des radiographies thoraciques ?
Structures thoraciques :
On note la présence d’une structure de radio-opacité minérale homogène, de forme trapézoïde à marges nettes géométriques mesurant environ 37mm de longueur et 26mm de largeur. Elle est localisée à la limite entre le médiastin caudal et moyen dans la zone de projection de l’oesophage, caudalement à la carène et à la base du cœur et rostrale aux piliers du diaphragme. Plus cranialement, le signe de la bande oesophago-trachéale dorsale est visible, apparaissant sous la forme d’une bande d’opacité liquidienne dorsale à la trachée et indiquant la présence d’un contenu aérique dans cette portion de l’œsophage.
Le reste des structures thoraciques ne présente pas d’anomalie.
Structures extra thoraciques :
Du produit de contraste baryté est visible dans la portion transverse du colon.
2 . Quel examen complémentaire à visée diagnostique et thérapeutique est indiqué dans notre cas ? Quelles autres options thérapeutiques auraient pu être envisagées ?
Une endoscopie des voies digestives hautes a été réalisée, mettant en évidence la présence d’un corps étranger osseux localisé dans la portion distale de l’œsophage.
Le corps étranger a pu être retiré par voie rétrograde à cette occasion et une oesophagite ulcérative sévère au site d’obstruction a été diagnostiquée.
Dans le cas où l’extraction rétrograde aurait été impossible, l’antépulsion du corps étranger dans l’estomac, puis son retrait par gastrotomie auraient constitué la seconde option thérapeutique de choix.
Si la mobilisation du corps étranger s’était révélée impossible par endoscopie, des techniques d’exérèse strictement chirurgicales auraient pu être envisagées. Soit par laparotomie puis gastrotomie soit par thoracotomie suivie d’une oesophagotomie (non recommandé en première intention au vu des risques de complications associées : sténose oesophagienne…)(1,2).
3 . Quelles sont les complications potentiellement associées à la présence d’un corps étranger oesophagien ? Existe-t-il des prédispositions raciales à cette affection ?
La sévérité des lésions oesophagiennes causées par la présence d’un corps étranger sont dépendantes des caractéristiques (type, nature tranchante, taille) et de la chronicité de ce dernier (3). Les complications les plus fréquentes comprennent l’oesophagite, la stricture oesophagienne et la pneumonie par erreur de lieu. Moins fréquemment, une rupture oesophagienne peut mener à l’apparition d’un pneumomédiastin , d’un pneumothorax, et/ou d’un pyothorax (4), et des cas de diverticule oesophagien, de sialadénite, de sialadénose ainsi que des troubles gastro-intestinaux persistants ont également été décrits dans la littérature de manière plus anecdotique (5).
Les chiens jeunes adultes de petite taille et plus particulièrement les Terriers (Bull-terrier, West Highland White Terrier, Cairn Terrier…) semblent prédisposés à cette affection, bien que des cas de corps étranger oesophagien soient décrits dans de nombreuses autres races. La portion distale de l’oesophage, au niveau de la base du cœur semble constituer la localisation préférentielle chez ces races. Les raisons de cette prédisposition ne sont pas actuellement clairement élucidées mais plusieurs hypothèses ont été émises, relatives à des particularités comportementales, anatomiques ou à une prédisposition de ces races à des troubles de la motilité oesophagienne (6,7).
- Aertsens A et coll. Surgical extraction of canine oesophageal foreign bodies through a gastrotomy approach: 12 cases. J Small Anim Pract 2016; 57:354–359.
- Sale CS, Williams JM. Results of transthoracic esophagotomy retrieval of esophageal foreign body obstructions in dogs: 14 cases (2000-2004). J Am Anim Hosp Assoc. 2006 Nov-Dec; 42(6):450-6.
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Rousseau A et coll., Incidence and characterization of esophagitis following esophageal foreign body removal in dogs: 60 cases (1999–2003). J Vet Emerg Crit Care 2007; 17:159–163.
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Deroy C et coll., Removal of oesophageal foreign bodies: comparison between oesophagoscopy and oesophagotomy in 39 dogs. J Small Anim Pract. 2015 Oct; 56(10):613-7
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Wyatt SR, Barron PM. Complications following removal of oesophageal foreign bodies: a retrospective review of 349 cases. Aust Vet J. 2019 Apr;97(4):116-121
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Juvet F et coll., Oesophageal foreign bodies in dogs: factors affecting success of endoscopic retrieval. Ir Vet J. 2010;63(3):163-168
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Bexfield NH et coll., Esophageal dysmotility in young dogs. J Vet Intern Med. 2006 Nov-Dec; 20(6):1314-8