Les voies d’abord chirurgicales de la boite crânienne

Dr Antoine BERNARDÉ (CHV Saint-Martin)

1. Introduction

Les abords chirurgicaux de la boite crânienne chez les chiens et chats ont pour principale indication l’excision de tumeurs intracrâniennes, le drainage d’abcès ou hématomes, la réduction et stabilisation de secteurs osseux crâniens fracturés, ou la mise en place de cathéter de dérivation d’hydrocéphalie.

L’ouverture de la boîte crânienne peut se faire « à volet perdu » en retirant progressivement l’os sur toute son épaisseur, sur une petite surface. On parle alors de trépanation. Si la surface à aborder dépasse 1 cm², on créera un volet osseux. On parle de crâniotomie quand  le volet osseux est remis en place en fin de chirurgie. On parle de crâniectomie lorsque le volet osseux n’est pas conservé : il est alors possible de recouvrir le défaut osseux par les tissus mous présents localement, ou de réaliser une crânioplastie avec un matériel de substitution (Bagley, 2002).

2. Rappels anatomiques

La tête est constituée de deux parties, le crâne et la face. La face est constituée d’os qui forment la structure des cavités de la bouche et du nez. Le crâne entoure l’encéphale avec ses vaisseaux et ses méninges, ainsi que les organes de l’audition. Les orbites et le labyrinthe ethmoïdal se trouvent à la liaison entre les os de la face et ceux du crâne.

Les os majeurs du crâne sont au nombre de neuf : les os occipital, sphénoïde et éthmoïde qui sont de os impairs, les os pariétaux, temporaux et frontaux qui sont pairs (Figures 1 et 2). Les os du crâne se soudent pendant la croissance de l’animal, sauf les mandibules qui permettent la mastication des aliments et l’appareil hyoïdien. Chez le chien, la forme du crâne est très variable. Elle peut être de morphologie bréviligne (comme chez le bouledogue), médioligne (comme le labrador) ou longiligne (comme pour le lévrier).

 Figure 1 d’après Rafaelli, 2003

 Figure 2, d’après Rafaelli, 2003

L’os occipital (en vert sur les figures 1 et 2) occupe la partie caudale du crâne et s’articule sur la première vertèbre cervicale : l’atlas. Il est en grande partie d’origine cartilagineuse et appartient au chondrocrâne. L’os sphénoïde (n°12 sur la figure 1) est situé sur le plancher de la cavité du crâne. Il appartient également au chondrocrâne. L’os ethmoïde se situe à la limite du crâne et de la face à l’intérieur de la tête. Il forme, par son union avec les os frontal et sphénoïde, la paroi rostrale de la cavité du crâne et une grande partie du fond des cavités nasales.

L’os pariétal (n°5 sur la figure 1) avec  sa fosse (n°4 sur la figure 1) est pair, dorsal à l’os temporal, entre les os occipital, interpariétal et frontal. Il constitue une grande partie de la voûte crânienne.

L’os temporal (n°6 sur la figure 1, n° 3 et 4 sur la figure 2) est un os pair. Il forme la base de la région de la tempe et donc une grande partie de la paroi latérale du crâne. Il est rostral à l’os occipital, dorsal aux ailes de l’os sphénoïde, s’unit aux os pariétal, frontal et zygomatique. L’appareil hyoïdien s’insère sur l’os temporal. La mandibule s’y attache en une articulation mobile. Il protège les organes essentiels de l’audition.

L’os frontal (en violet sur les figures 1 et 2) constitue la base de la région du front. C’est un os pair qui se soude très tardivement chez les animaux sur le plan médian.

L’os zygomatique (respectivement numéros 9 et 5 sur les figures 1 et 2) forme la partie latéro-ventrale de l’orbite. Il est entouré par le processus zygomatique de l’os temporal avec qui il forme l’arcade zygomatique qui enjambe la fosse temporale, l’os lacrymal et l’os maxillaire. L’os ptérygoïde (n°20 sur la figure 1) est une lame plate qui s’unit au côté médial du processus ptérygoïde et à la lame perpendiculaire de l’os palatin. 

Les os de la face occupent environ deux tiers de la tête contrairement à l’Homme chez qui le crâne est plus important. Ils sont  davantage exposés que les os du crâne aux traumatismes. Plus nombreux que les os du crâne, un seul d’entre eux est impair : le vomer, plat, qui s’étend sur le plan médian des os incisifs jusqu’à l’os sphénoïde, et qui supporte la lame cartilagineuse qui sépare les cavités nasales.  Les autres os de la face sont situés de part et d’autre du plan médian de façon symétrique : Les cornets nasaux, présents dorsalement et ventralement de chaque côté de la cavité nasale correspondante, sont formés d’une lamelle osseuse mince qui s’enroule sur elle-même et qui donne un aspect comparable à celui des volutes de l’ethmoïde. L’os nasal est plat et pair, il forme le plafond des cavités du nez. Il est uni à l’os frontal, à l’os lacrymal, au maxillaire ainsi qu’au processus nasal de l’os incisif. L’os lacrymal est plat et forme la partie médio-rostrale de l’orbite. Il est entouré des os frontal, nasal, maxillaire et zygomatique. L’os zygomatique forme la partie latéro-ventrale de l’orbite. Il est entouré par le processus zygomatique de l’os temporal avec qui il forme l’arcade zygomatique qui rejoint caudalement la fosse temporale. L’os palatin, entouré des os frontal, ethmoïde, vomer, maxillaire, ptérygoïde et sphénoïde constitue le plafond de la cavité orale, et concourt à délimiter l’ouverture gutturale de la cavité nasale. La mandibule est un os plat, pair et symétrique sur lequel s’implantent toutes les dents inférieures. Elle se lie grâce à une articulation synoviale à l’os temporal et est donc un os mobile. Le maxillaire, pair, est l’os le plus volumineux des os de la face. Il permet l’implantation des molaires et des prémolaires supérieures ainsi que de la canine. Il s’unit à l’os incisif avec lequel il forme la partie essentielle de la mâchoire supérieure. L’os incisif est pair et asymétrique. Il permet l’implantation des incisives supérieures et participe à la formation de la voûte palatine. Il délimite également l’ouverture rostrale de la cavité nasale. Il occupe l’extrémité rostrale de la tête, en avant des maxillaires.

 

3. Ouverture de la boîte crânienne : principes généraux
3.a. Positionnement du patient :

L’ouverture de la boîte crânienne peut se réaliser rostralement à la tente du cervelet (voie frontale trans-sinusale et voie rostrotentorielle), ou caudalement à celle-ci (voie caudotentorielle ou sub-occipitale). Cette dernière donne essentiellement accès au cervelet. L’animal est positionné en décubitus ventral avec un système de maintien de la tête surélevée afin d’éviter toute compression des veines jugulaires qui pourrait favoriser une hausse de la pression intracrânienne (Bagley, 2002). La Figure 3 illustre une position assurant un confort de travail au chirurgien et un bon accès aux voies aériennes de l’animal pour l’anesthésiste lors d’abord rostrotentoriel latéral (Archibald, 1974). Un décubitus latéral oblique peut s’envisager pour réaliser une craniotomie ou craniectomie unilatérale.

Figure 3 d’après Archibald 1974

3.b. Trépanation et crânio- crâniec-tomie :

Matériel nécessaire : moteur chirurgicale, fraises de 1 à 4 mm de diamètre, curettes de neurochirurgie, pinces Kerrison, bistouri électrique monopolaire et bipolaire.

Différents instruments spécifiques sont utilisés en chirurgie humaine (trépans ou tréphines, crâniotomes). Les crâniotomes disposent de système (« garde ») limitant leur pénétration : la garde repousse la dure-mère dès que la coupe osseuse est effectuée.

En médecine vétérinaire, les trépanations et coupes sont généralement effectuées à l’aide de fraises chirurgicales fines. Diverses gardes sont utilisables pour limiter leur pénétration, notamment en interposant une douille de protection tissulaire telle qu’utilisée lors de forage orthopédique, entre l’extrémité de la pièce à main et la surface osseuse.

Lors de l’élévation d’un volet osseux, on commence classiquement par des trépanations ponctiformes en quatre points formant les coins du volet final, avant d’effectuer les lignes de coupes pour soulever le volet  (Figures 4 et 5).

Figures 4 et 5, d’après Slatter, 2003.

On utilisera pour les trépanations une fraise de 2 à 4 mm de diamètre, qui réalisent un puit suffisamment large permettant de sonder sa profondeur à l’aide d’une curette au fur et à mesure du forage. Le fraisage est effectué avec une irrigation permanente pour limiter le risque d’échauffement. Il est courant de rencontrer des hémorragies osseuses qui peuvent être contrôlées à l’aide de cire à os appliquée à l’aide d’une spatule (bone wax, BBraun). Deux zones adjacentes peuvent avoir des épaisseurs différentes. Généralement, chez les carnivores domestiques, la paroi osseuse dorsale du crâne est  plus épaisse que les parois latérales. Cette fluctuation exige des précautions lors des trépanations, la dure-mère devant rester intacte.

Les quatre trépanations sont ensuite reliées de façon rectiligne pour construire le volet osseux à retirer, à l’aide d’une fraise du plus petit diamètre possible, en vue d’obtenir une bonne congruence des deux bords au moment de la fermeture. Une fraise de 1,0 à 1,5 mm respecte cet impératif tout en permettant de tester le fond du sillon à l’aide d’une curette.

Si le secteur osseux à soulever n’est pas destiné à être finalement remis en place (par exemple dans le cas de tumeur adjacente ou envahissante), les 4 lignes de coupe sont achevées complètement, et le volet osseux est. Si le secteur osseux est destiné à être remis en place en fin de procédure, seulement 3 côtés sur 4 du quadrilatère sont découpés complètement : la section du bord ventral est seulement amorcée,  puis rompue lors de la bascule du volet osseux formé. Au moment de soulever ou basculer le volet, on portera une attention particulière à la séparation de la dure-mère du volet proprement, plus spécifiquement chez les chats âgés. Des saignements d’artères méningées peuvent survenir à ce moment précis,  et il faut se tenir prêt à les juguler, à l’aide d’un bistouri électrique bipolaire exclusivement. Peu d’adhérences entre os et dure-mère à redouter chez le chien.

Le volet osseux ainsi retiré est ensuite soit plongé dans une solution saline s’il est réutilisé pour la fermeture, éventuellement pour servir de moule pour confectionner une éventuelle prothèse.

À la suite de cette étape, la dure-mère est exposée. Son aspect varie en fonction de l’espèce mais également de la taille de l’animal : elle est épaisse, blanchâtre à grise-rougeâtre chez un chien et fine et presque transparente chez le chat. Si la dure-mère est destinée à être préservée et refermée en fin de procédure, deux points d’appuis y sont placés dans les coins supérieurs de la craniotomie (mono-filament 5-0) et la dure mère est incisée sur trois bords à l’aide d’une lame de 11 (tranchant vers le haut) et élevée grâce aux sutures puis réclinée ventralement entre deux compresses humides afin de pallier son assèchement et conserver sa longueur (Figure 6).

Figures 6 d’après Slatter, 2003.

Un système optique de grossissement, ou au moins des lunettes loupes sont généralement nécessaires à ce stade.

4. Approches chirurgicales de la boite crânienne

Il existe plusieurs approches chirurgicales de la boîte crânienne qui peuvent parfois être combinées lorsque l’objectif de l’opération l’exige. 

 4.a. Approche rostrotentorielle (Figures 7 et 8).

Cette approche latérale de l’encéphale est la plus souvent pratiquée. L’incision cutanée est en U-inversé, débutant caudo-dorsalement au canthus externe de l’œil, montant vers le plan sagittal (dorsal), longeant la crête sagittale vers l’arrière et se terminant  caudalement à l’oreille au-dessous de la protubérance occipitale. Il est essentiel de ne pas inciser trop proche de l’œil afin d’éviter tout dommage du nerf facial et des structures périorbitaires. Après dissection du tissu conjonctif et incision du fascia temporal, les muscles temporal et inter-scutulaire sont incisés dorsalement à quelques mm de la ligne médiane (pour faciliter la fermeture), et réclinés ventralement. Une précaution particulière est portée au muscle temporal dans sa partie rostrale. La graisse périorbitaire est révélée lors de son retrait, il est alors essentiel de ne pas disséquer agressivement cette zone afin d’éviter toute lésion iatrogène de l’œil et de ses structures associées. De même, en réclinant le muscle temporal, on veillera à identifier et conserver la branche mandibulaire du nerf trijumeau et l’artère temporale superficielle pour éviter toute atrophie ou nécrose de ce muscle a posteriori. Une compresse peut éventuellement être placée entre les tissus et le crâne afin de limiter tout saignement. À la fin de cette étape, les os frontal, pariétal, temporal sont exposés.

La limite crâniale du volet osseux est juste dorsale au rebord le plus crânio-dorsal de la mandibule (processus coronoïde) ou de l’aspect le plus crânial de l’os zygomatique. Elle s’étend dorsalement vers la la crête sagittale, et caudalement jusqu’à la suture entre l’os pariétal et occipital. L’artère méningée médiane, ventrale, peut être ligaturée au besoin.

Figures 7 et 8, d’après Rafaelli, 2011.

 L’approche rostrotentorielle peut être étendue dans sa partie cranio-ventrale par une ostectomie de l’arcade zygomatique.

4.b. Approche rostrotentorielle bilatérale ou dorsale (Figures 9 et 10)

 Cet abord est utilisé lorsqu’une exposition du cortex dans ses parties olfactive frontale, dorsale, pariétale, temporale et occipitale est requise. L’incision cutanée, médiane, s’étend de l’arrière du niveau des yeux jusqu’à la protubérance occipitale externe. Le tissu sous-cutané, et les muscles temporaux et inter-scutulaires sont disséqués à partir de la ligne médiane puis réclinés bilatéralement.  Quatre trous de trépan sont forés de façon à former un rectangle de part et d’autre de la crête sagittale externe. Cette zone du crâne présente de nombreuses cavités diploïques rendant le forage particulièrement difficile. D’extrêmes précautions doivent être prises afin d’éviter toute rupture iatrogène des sinus (voir chapitre complications). Une alternative est de laisser une bande osseuse et de procéder à deux craniotomies latérales indépendantes, afin de ne pas risquer de léser le sinus sagittal dorsal (Fossum et al, 2009).

Figures 9 et 10, d’après Rafaelli, 2011.

4.c. Approche frontale trans-sinusale (Figures 11 et 12)

 Cet abord est majoritairement employé pour l’excision de méningiomes situés dans la région des bulbes olfactifs. Il consiste à aborder les sinus frontaux, et à partir de là passer par la lame criblée pour atteindre les bulbes olfactifs du cortex frontal.

Figures 11 et 12, d’après Rafaelli, 2011.

L’incision cutanée débute rostralement à la ligne formée par les canthi médiaux des yeux et se prolonge jusqu’à la suture entre l’os frontal et l’os pariétal. Les tissus sous-jacents, tissu sous-cutané et muscles, sont incisés médialement et réclinés jusqu’à atteindre l’os. L’ostéotomie pour pénétrer les sinus frontaux peut se faire à l’aide d’une fraise ou d’une scie oscillante, le risque de léser la dure mère étant nul à ce stade. Dans le cas où le volet osseux sera replacé, il est préférable d’employer une petite lame de scie en inclinant la coupe. Les formes de découpe sont assez variables : la forme losange pour une approche bilatérale est préférée puisqu’elle permet une meilleure visualisation de la zone (Fossum, 2013).  Une fois les sinus ouverts, l’ouverture nasale rostrale doit être couverte par des compresses humides, et le sinus frontal lavé avec une solution isotonique physiologique. À ce stade, tous les instruments potentiellement contaminés doivent être mis de côté, le contenu des sinus étant potentiellement contaminés ou infectés. Les ostiums naso-sinusaux sont obturés à l’aide de compresse, les instruments contaminés sont changés. Les volutes et la lame criblée de l’éthmoïde sont ensuite retirées, à l’aide de rongeurs et pinces Kerrison, afin d’exposer les bulbes olfactifs (Fossum et al. 2009). Caudalement, la table interne de l’os frontal est excisée à la pince Kerrison quand les lobes frontaux doivent être exposés caudalement aux bulbes olfactifs. (« modified transfrontal sinus craniotomy »).

4.d. Approche suboccipitale ou caudotentorielle (Figure 13)

Cette approche est employée lorsque la zone opératoire se situe en partie caudale du cervelet, de la moelle allongée (bulbe) ou dans l’aire du foramen magnum. Il peut être avantageux de fléchir (ventralement) la tête du chien, en particulier pour travailler dans la région du foramen magnum et faciliter sa visualisation.  L’incision cutanée s’étend depuis le milieu du crâne jusqu’à quelques cm en arrière de la protubérance occipitale externe, qui marque la ligne des sinus veineux transverses et du sinus confluent.

Figure 13, modifiée d’après Fossum, 2003

La dissection du tissu sous-cutané se fait jusqu’à atteindre les muscles interscutulaire, occipital, cervicoscutulaire et cervicoauriculaire superficiel. Ils sont alors divisés de l’arrière vers l’avant le long de la ligne médiane jusqu’au au muscle temporal qui est récliné, après avoir été séparé du ligament nuchal. Les muscles cervicaux dorsaux tels que les muscles sterno-occipital ou sternomastoidien, sont scindés médialement depuis l’arc vertébral des deux premières vertèbres cervicales puis soulevés à l’aide d’une rugine.  Entre l’os occipital et l’atlas, dans l’espace atlanto-occipital, se trouve un tissu fibreux comprenant la dure-mère adhérente au muscle. Une dissection fine de cette zone permet d’ouvrir cette couverture fibreuse. Une fois incisée, du liquide cérébrospinal déferle depuis l’espace sous-arachnoïdien. L’os occipital est ouvert et réséqué à la pince Kerrison à distance de la dure-mère, jusqu’à une exposition suffisante de la lésion. Cela permet d’élargir le foramen magnum sans endommager les différents sinus de la région (sinus transverses et sinus confluent). Ce sont ces mêmes éléments qui expliquent l’exposition limitée de la région par cette voie d’abord.  Comme pour les techniques précédentes, les hémorragies sont contrôlées par de la cire à os, une compresse résorbable de gélatine ou encore à l’aide des muscles, abondant dans cette région. Au-dessus du foramen magnum se trouve fréquemment une fine membrane recouvrant la moelle allongée, qu’il est nécessaire d’inciser comme la dure-mère si l’on veut exposer la partie dorsale de moelle allongée et le quatrième ventricule (Bagley, 2002).

 4.e. Approches combinées

Les approches rostrotentorielle latérale et suboccipitale peuvent être combinées, laissant toutefois le volet osseux surplombant le ligament nuchal en place. Une attention particulière doit être porté au sinus transverse homo-latéral. Au besoin sa ligature est possible, mais unilatéralement uniquement. L’os protégeant le sinus transverse est foré jusqu’à laisser une fine couche corticale afin de limiter le risque de lésion du sinus dans un premier temps puis est délicatement retiré à l’aide d’une pince Kerrison. De la cire à os est utilisé pour fermer le canal du sinus transverse dorsalement et ventralement. 

La combinaison des approches dorsale (rostrotentorielle bilatérale) et frontale bilatérale est également possible (Figure 14). Elle permet l’exposition du cortex frontal dorsal, des bulbes olfactifs et de la région de l’ethmoïde. L’incision cutanée débute en avant de la ligne des yeux et se termine sur la protubérance occipitale.

Figure 14

5. Les accidents opératoires

L’hémorragie des sinus veineux est le principal accident per-opératoire à redouter, potentiellement létal. Les sinus (sagittal dorsal, transverses et confluent), qui collectent le sang des veines cérébrales, cérébelleuses, médullaires, méningées et diploïques, se trouvent immédiatement sous la dure-mère, et sont donc très exposés lors du retrait du volet osseux (Pluhar et al. 1996) (Figure 15). Le décès résulte de la perte sanguine en cas d’hémorragie incontrôlable ou d’une hypertension cérébrale : La ligature de deux des trois sinus veineux engendre une hypertension cérébrale diffuse ainsi qu’un risque d’hernie tonsillaire (Séguin, 2003). Toutefois, l’occlusion unilatérale du sinus transverse chez certains chiens opérés pour tumeur cérébrale n’a eu pour conséquence que des déficits neurologiques transitoires sans augmentation de la pression intracrânienne au-delà des valeurs normales (Pluhar et al., 1996), et semble donc acceptable. Une des conjectures les plus probables serait que la pression engendrée sur les sinus veineux par un processus tumoral favoriserait la formation de vaisseaux collatéraux rendant, de cette façon, la ligature d’un des trois sinus veineux non rédhibitoire (Séguin, 2003). On peut donc ligaturer un des sinus transverses, pas les deux.

Figure 15, d’après Rafaelli, 2011.

L’une des difficultés majeures de ce type de chirurgie est le fait qu’une fois le volet osseux retiré, il est souvent compliqué de différencier le tissu sain du tissu lésé. En effet, le cortex devient rapidement mou, décoloré, hémorragique et friable sous la moindre manipulation. Il est difficile de s’assurer d’être en marge saine lors d’exérèse de tumeur cérébrale, et la rémission avant récidive locale semble raccourcie, par rapport à des tumeurs localisées dans d’autres localisations anatomiques (Boston, 2010).

6. Fermeture de la boîte crânienne

 À l’état normal, l’encéphale baigne dans le liquide cérébro-spinal qui permet l’hydratation constante du tissu nerveux. Une irrigation permanente des tissus cérébraux par une solution saline isotonique doit être réalisée (Archibald, 1974).

La dure-mère est suturée à l’aide d’un mono-filament résorbable 5-0 ou 6-0, quand elle peut être conservée, ou bien elle est remplacée, soit par le fascia du muscle temporal, soit par un patch synthétique (Neuro-patch BBraun), pour conserver cette protection liquidienne.

Mise en place d’un neuropatch

Le mode de fermeture de la craniectomie proprement dite est différent selon ses dimensions et l’abord.

Chez l’homme, la perte osseuse est rarement tolérée lorsqu’elle n’est pas réparée : le «syndrome du trépané» serait souvent observé lorsqu’un défaut reste présent, dû à l’impact de la pression atmosphérique sur le tissu nerveux non protégé et modifiant localement la circulation du liquide cérébrospinal (Kuo et Wee, 2014). Ce syndrome n’a jamais été mis en évidence chez les chiens et chats. Ainsi même lors de petite perte de substance, une cranioplastie est souvent effectuée, ou à défaut une apposition du volet osseux préalablement retiré. L’emploi d’une colle de fibrine mélangée avec de la poussière d’os autologue est une possibilité pour réparer les petites pertes osseuses notamment dues au forage des trous de trépan. Ce matériau, infiltré en 2 semaines par des cellules inflammatoires, est résorbé dans les semaines suivantes et remplacé par des cellules inflammatoires, ostéoblastes et fibroblastes aboutissant à une ossification complète au bout de deux ans (Matsumoto et al, 1998). Pour des surfaces de craniectomie dépassant le cm, des cranioplasties sont réalisées.

Chez les chiens et chats, la surface critique du défaut osseux crânien au-delà duquel une fermeture est nécessaire (cicatrisation osseuse spontanée peu probable) n’est pas clairement établie. Elle varierait de 14 mm à 25 mm de diamètre selon les études (Sato et Urist, 1985; Oklund et al, 1986 ; Costantino et al., 1992). On qualifiera alors de petites pertes de substance les défauts dont la taille n’excède pas ses valeurs, et de grandes pertes de substance les surfaces supérieures, cette appréciation restant subjective.

6.a. Lors de petite perte de substance :

L’os n’est ni replacé, ni remplacé. Quand cela est possible, une simple apposition du muscle temporal ou du tissu sous-cutané profond disponible est réalisée au-dessus du défaut osseux afin de le recouvrir et de protéger l’encéphale sous-jacent. Les plans sous-cutané et cutané sont alors suturés normalement.

6.b. Lors de grande perte de substance :

 Il existe deux façons de refermer la boîte crânienne lors de grande perte de substance : replacer le volet osseux préalablement retiré lors de l’ouverture quand cela est possible (voies rostro-tentorielles ou frontales, et volet non contaminé), ou mettre en place une prothèse de polyméthylméthacrylate (PMMA) combinée ou non à une mèche de titane.

Mise en place d’un substitut osseux de PMMA

Dans le cas où il est décidé de replacer l’os retiré, des petits trous sont forés dans le volet comme dans le crâne en place afin de passer des sutures circonférentielles entre les deux éléments.  Le nombre de sutures est à l’appréciation du chirurgien (Figure 16).

On évitera des sutures métalliques interférant avec la tomodensitométrie ou l’IRM. Chez l’Homme, des plaques d’ostéosynthèse sont couramment utilisées pour sécuriser le volet à la boîte crânienne (Figure 17). 

Figure 16  &  Figure 17

Dans le cas particulier de l’abord frontal trans-sinusal,  il est nécessaire de procéder au lavage du sinus frontal avec une solution isotonique physiologique stérile avant fermeture. La craniectomie proprement dite est recouverte de sous-muqueuse intestinale porcine ou d’un lambeau musculaire (Boston, 2010). Les ostiums naso-sinusaux sont obturés, puis le volet osseux de la sinusotomie est replacé, à l’aide de fil monobrin irrésorbable ou de mini-plaques.

Dans toutes ces approches, quand le volet osseux  ne peut pas être replacé, ou dans le cas particulier d’une craniotomie sub-occipitale ou il n’y a pas de volet à replacer (la craniectomie ayant été réalisée fragment par fragment à la pince Kerrison) , on façonnera une prothèse de PMMA qui reste le matériel le moins onéreux et le plus sûr pour constituer un substitut osseux. Une « galette » est façonnée pour correspondre en taille et en forme au défaut osseux. La polymérisation (exothermique) est réalisée en dehors du patient, elle est retaillée avant de durcir complètement. Comme pour un volet osseux, sa fixation se fait par sutures le plus économique) ou plaques vissées.

7. Soins post-opératoires

Soins intensifs, contrôle de la ventilation et de la qualité de la respiration, et analgésie sont incontournables et non spécifiques.

Il est courant d’opérer un animal sous traitement anticonvulsivant.  En période post-opératoire, des convulsions malgré le traitement font suspecter une hausse de la pression intracrânienne, par hémorragie ou défaut de vidange du liquide céphalorachidien. Un nouvel examen Scanner ou IRM peut être nécessaire.

Dans la période post-opératoire immédiate, le patient peut présenter nausée et vomissements. Chez l’Homme, près de 50 % des patients sont concernés, jusque dans les quarante-huit heures suivant la chirurgie, particulièrement chez les jeunes, les femmes ou lors de craniotomie sub-occipitale (Fabling et al, 1997). La dexaméthasone (0,25 à 0,5 mg/Kg 2 fois par jour) permettrait de réduire de 26 % le risque d’apparition de cette complication. Il est conseillé d’en faire l’administration le plus proche possible du début de l’opération (Apfel et al, 2004 ; Thibault et al, 2007), maintenue pendant 2 à 3 jours (Fossum, 2003)

Les pneumopathies par fausse route sont décrites dans environ 20 % des cas chez le chien. Une antibiothérapie systémique doit être considérée.

Une évaluation neurologique du patient est réalisée plusieurs fois par jour de façon à détecter toutes complications.  Un diurétique (Mannitol 25% ; 0,25 à 2,0 g/kg IV sur 20 minutes, répété toutes les 3 à 8 heures) est administré si le patient démontre une détérioration neurologique faisant suspecter une hypertension cérébrale.

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