Les Sutures

Dr Antoine BERNARDÉ (CHV Saint-Martin)

1. INTRODUCTION

Une suture (du latin sutura ou suere, coudre) est un acte chirurgical consistant à rétablir la continuité d’un tissu ou d’un organe divisé, par une couture et, par extension, au moyen de tout autre procédé. Le terme de « suture » désigne également le dispositif médical (le matériel) permettant la réalisation de cet acte. Il s’agit d’un fil stérile, monté sur une aiguille, destiné à suturer. Une ligature (du latin ligare, lier) est un acte chirurgical consistant à occlure un conduit en l’enserrant dans un nœud. Il s’agit le plus souvent d’un vaisseau sanguin dont on veut arrêter le saignement, mais il peut s’agir de tout autre conduit, cordon ou pédicule, dont on désire interrompre la continuité avant de le sectionner ou non. Par extension, le terme de « ligature » désigne également le matériel utilisé pour faire le nœud. Logiquement associée à la suture, ou confondue avec elle, une ligature est un fil stérile, sans aiguille, destinée à ligaturer.

Les plus anciennes traces de traitements de plaies par sutures proviennent d’Égypte, avec traces d’instruments chirurgicaux possédant un chas dès 3000 ans avant notre ère, ainsi que du fil conservé sur le ventre d’une momie datant de -1100. Les premiers textes mentionnant la réalisation de sutures sont le papyrus d’Edwin Smith (-1650) et le Samhita, un traité de chirurgie écrit vers -600 par Susruta, un médecin indien. D’autres descriptions ont été ensuite faites par Celse (Rome), et par Hua Tuo (Chine). À cette époque, divers matériaux étaient utilisés tels que des fils textiles, des cheveux, des fragments de tendons ou d’intestins. Plus tard, d’autres descriptions ont été faites par Abu Al-Qasim (Al-Tasrif, env. 1000), Henri de Mondeville (Chirurgia, 1306-1320) et Ambroise Paré (Sur les plaies par hacquebutes, 1543) qui recommande en particulier de ligaturer les artères avec un fil au lieu de les cautériser. Au cours du XIXème siècle, la suture de référence est souvent du catgut, premier matériel résorbable fabriqué à partir de sous-muqueuse d’intestin grêle de ruminants, qui a l’avantage d’être « digéré » par les cellules inflammatoires jusqu’à disparition complète. À partir de 1860, sa stérilisation devient un sujet important aboutissant à l’utilisation du catgut phénol, puis du catgut chromé, un matériau qui avait également la particularité d’être plus résistant. Ce n’est cependant qu’à partir de 1906 qu’un matériel vraiment stérile est proposé à partir d’un traitement à l’iode. Le XXe siècle voit l’arrivée des premiers fils synthétiques (Synthofil™  par B. Braun en 1935, Supramid™  de BASF en 1939) puis des premiers fils synthétiques résorbables (Dexon™, Vicryl™) vers 1970. Actuellement, hormis la soie et l’acier, toutes les sutures sont faites de matériel synthétique depuis l’interdiction du catgut à la fin du XXe siècle à la suite de la crise de la vache folle.

Si différents matériaux sont utilisés pour les sutures, c’est parce que la plupart de leurs propriétés physiques en dépendent : résistance à la traction, élasticité, temps nécessaire pour perdre 50% de la résistance ou pour disparaître complètement de l’organisme hôte. La résistance de la suture dépend de son diamètre : à matériau égal, la résistance augmente avec le carré du rayon de la suture : en doublant le diamètre de la suture, donc en doublant son rayon, on multiplie sa résistance à la traction avant rupture par 4, en la triplant, par 9. La résistance initiale, qui ne doit pas être confondue avec la résistance après quelques semaines d’implantation dans l’organisme, dépend aussi du matériau de la suture : à diamètre égal une suture de polyxianone (PDS™) est plus résistante qu’une suture de polyglécaprone (Monocryl™).

À partir des années 1960, des matériels alternatifs tels que colles, bandelettes collantes, agrafes ou clips se sont développés. On désigne par les mots suture et ligature les matériels filaires. Les clips ou agrafes, (métalliques, plastiques, résorbables ou non) sont qualifiées sutures mécaniques. Les hémoclips, pinces TA, GIA, EndoGIA, EEA sont très utilisés en chirurgie moderne, notamment pour les anastomoses intestinales suite à entérectomie ou colectomie, ou pour les lobectomies (pulmonaires, hépatiques). Plus récemment, des outils de fusion tissulaire (ex : Ligasure ™) sont apparus sur le marché, remplaçant avec plus de fiabilité, les ligatures fastidieuses dans certaines résections oncologiques. Tous ces « outils » sont disponibles et régulièrement utilisés au CHV Saint-Martin.

La stérilisation des sutures est aujourd’hui faite soit par irradiation, par oxyde d’éthylène, ou par traitement thermique.

2. SUTURES NON-RESORBABLES VERSUS RESORBABLES

Les matériaux utilisés pour les sutures sont déclinés en matériaux non résorbables ou résorbables. En règle générale, on utilise des sutures résorbables à l’intérieur du corps, et des sutures non résorbables en surface, au niveau de la peau. Ces règles générales connaissent des exceptions.

2.1. SUTURES NON-RESORBABLES

Ce sont en général des polymères (polyamide = nylon, polyester,  polypropylène) Les sutures faites d’acier, quelquefois utilisées en orthopédie, ou de soie, utilisées dans certaines procédures vasculaires, sont également  classées comme non-résorbables. Ces matériaux doivent présenter une bonne résistance aux réactions immuno-chimiques de l’organisme hôte, et une biocompatibilité suffisante pour induire le moins possible de réaction inflammatoire. Le premier usage des sutures non-résorbables est la fermeture de la peau (polyamide préférentiellement), parce que ces matériaux sont très inertes, ne génèrent aucune réaction inflammatoire et seront extractibles facilement. Le corollaire est que les sutures résorbables, moins inertes, ne sont pas recommandées pour un usage cutané : elles créent davantage de réaction inflammatoire, la cicatrisation peut être retardée, moins « confortable », et moins esthétique au final. Pour certaines interventions spécifiques, où la suture ou ligature doit agir « à vie » (ex : ligature d’un canal artériel, colposuspension…), ou lorsqu’on anticipe une cicatrisation retardée (ex : suture  de la ligne blanche chez un patient en hypo-protéinémie), on pourra également choisir d’utiliser du matériel non-résorbable en interne, à l’intérieur du corps où elles seront laissées à vie.

Figure 1. Caractéristiques mécaniques et les usages de la plupart des sutures non-résorbables.

2.2. SUTURES RESORBABLES

Les sutures résorbables sont destinées à être éliminées peu à peu dans les tissus, sur une période allant de 10 jours à 8 semaines selon les matériaux employés. Ces sutures sont utilisées sur des tissus internes, où dans la plupart des cas, trois semaines sont suffisantes pour que les tissus aient cicatrisé (sutures du fascia abdominal, suture d’une capsule articulaire, etc…). Un matériel qui perdra 50% de sa résistance en 2 semaines et sera résorbé en 8 semaines tel que le polyglacin 910 commercialisé sous le nom de Vicryl™ ou Safil™  sera suffisant. Si le chirurgien anticipe que la cicatrisation tissulaire prendra davantage de temps (ex : sutures tendineuses), il devra choisir un matériel à résorption plus lente, tel le polydioxanone (PDS™) par exemple qui ne perd que 30% de sa résistance au bout de 2 semaines, mais demandera 6  à 8 mois avant de disparaître totalement. L’avantage majeur des fils résorbables est l’absence de corps étranger dans les tissus vivants après quelques mois, sans intervention supplémentaire. Historiquement, les premiers matériaux résorbables utilisés étaient d’origine organique. Le Catgut qui a connu ses heures de gloire au XXème siècle en était le meilleur exemple. Sa résorption se faisait néanmoins par réaction inflammatoire, pas forcément souhaitable, inflammation étant synonyme  de cicatrisation retardée, d’inconfort, quelquefois de suppuration excessive et de séquelles cicatricielles. L’avènement des matières synthétiques modernes a permis de créer artificiellement des fibres de meilleure biocompatibilité, résorbables par hydrolyse et beaucoup moins par réaction inflammatoire, de manipulation plus facile, et souvent moins onéreuse.

Figure 2 : Caractéristiques des principales sutures résorbables, temps de résorption et usages.

3. MONOFILAMENTS VERSUS MULTIFILAMENTS

Les sutures sont déclinées en mono- ou multi-filaments. Un monofilament est un fil constitué d’un brin unique. Sa surface lisse glisse bien dans les tissus. Il ne présente pas d’effet capillaire ou de micro-dépressions susceptibles d’héberger des matières organiques, et pour ces raisons est plus fiable en milieu contaminé. Doué de mémoire de forme, un monofilament peut être plus difficile à manipuler et à nouer. Pour assurer la sécurité du nœud, des boucles supplémentaires sont recommandées par rapport à un nœud de chirurgien traditionnel. L’Ethilon™ est un monofilament non-résorbable de nylon couramment utilisé pour suturer la peau. Monosyn™, Biosyn™, Monocryl™, PDS™ sont des monofilaments résorbables d’usage courant.

Un multifilament est constitué de plusieurs brins tressés ou torsadés. A diamètre identique, un multifilament est plus résistant  à la rupture qu’un monofilament. Ce matériel glisse moins bien dans les tissus, et peut causer davantage de micro-traumas tissulaires (ex Vicryl™ standard) s’il n’est pas enduit pour l’adoucir (ex Coated Vicryl™). On évitera donc son emploi sur les tissus fragiles (ex : paroi intestinale). Dépourvu de mémoire de forme, il est plus agréable à travailler et présente une tenue de nœud nettement supérieure à celle d’un monofilament. Le nœud classique dit « de chirurgien » (une double boucle, suivie de deux simples boucles inversées) suffira avec une polyfilament alors qu’il faudra ajouter deux ou trois clefs avec un monobrin pour en assurer la tenue. Pour cette raison, les multifilaments ont la préférence  de nombreux chirurgiens. On évitera cependant absolument les poly-filaments dans une plaie contaminée : leur conformation physique les rend plus apte à héberger les liquides biologiques formant biofilm et entretenant une contamination ou une infection locale (on parle d’effet capillaire ou d’effet de mèche).

4. PRESENTATION DES SUTURES

Généralement conditionnées par boites de 36 unités, chaque suture, stérile, sertie à une aiguille (simplement aiguillée) ou à une aiguille à chacune de ses extrémités (doublement aiguillée), est présentée individuellement sous forme de sachet à double emballage. Le chirurgien reçoit de la main de l’instrumentiste ou de L’ASV la suture dans son second emballage, telle que représentée par la figure 3.

Figure 3 : Suture prête à l’emploi dans son second emballage avec mentions légales.

Différentes informations sont portées sur l’emballage.

4.1. DIAMETRE (du fil) [A].

Ici, une suture de diamètre 4-0 (en nomenclature américaine dite USP) qui vaut 1,5 (soit 0,15 mm) en norme de la pharmacopée européenne (Ph Eur). Les chirurgiens ont l’habitude de parler en norme USP, dont la logique est pourtant difficilement lisible : pour les petits diamètres de fil en dessous de 0, les chiffres les plus élevés désignent les sutures les plus fines (5-0 qui veut dire 5 x zéro est plus fin que 4-0), sauf dans les plus gros diamètres (0 est plus petit que 1, lui-même plus petit que 2, etc…). La pharmacopée européenne utilise un système décimal calqué sur le diamètre réel, en 10ème de millimètre : une suture de déc 2 fait 0,2 mm de diamètre et est plus fine qu’une suture de déc 3,5 qui est de 0,35 mm de diamètre. La figure 4 indique les correspondances entre les deux systèmes.

Figure 4 : Correspondance entre norme USP et norme Européenne des diamètres des sutures chirurgicales.

4.2. AIGUILLE [B]:

ici une aiguille de 19 mm de long, de forme 3 8ème de cercle, de forme triangulaire, de type reverse-cutting indiquant que le tranchant de l’aiguille est extérieure, limitant de risque de sectionner les tissus. L’aiguille est le premier composant de la suture à traverser les tissus. Elle est faite d’acier inoxydable. Il existe différent type de courbure selon la profondeur du tissu à suturer (figure 5). En général, plus le plan est profond plus l’aiguille doit être courbée.

Figure 5 : Caractéristiques dimensionnelles des aiguilles.

Ses performances dépendent de son pouvoir de pénétration (sa capacité à pénétrer les tissus sans les déchirer) et de sa résistance (sa capacité à ne pas se tordre lors du passage tissulaire, notamment s’il est répété). L’aiguille est décrite par sa pointe (extrémité pénétrante) et son corps (partie qui est saisie par le porte-aiguille) par un logo très explicite.

  • Une aiguille dite  atraumatique dispose d’une pointe mousse et d’un corps rond. Elle est représentée par le logo  indiquant que la pointe est ronde (mousse) et le corps est rond. Elle est celle qui endommage le moins les tissus, et elle est privilégiée sur les tissus délicats et fragiles (ex : paroi intestinale), mais son pouvoir de pénétration est médiocre et elle ne permet de piquer les tissus à plusieurs reprises. Elle devient au contraire très traumatisante si elle est gardée après plusieurs « passages », et qu’il faut forcer sur les tissus pour sa pénétration à tout prix. 
  • À l’opposé, une aiguille entièrement (pointe et corps)  triangulaire est très pénétrante mais endommage les tissus, surtout si une arête tranchante est  dirigée vers l’intérieur (cutting). Une aiguille triangulaire avec une arête  tranchante vers l’extérieur (reverse cutting) est moins blessante. L’aiguille triangulaire de type reverse cutting est le premier choix pour pénétrer les tissus solides et fermes (fascias, cartilages, tendons, tissus fibrosés, etc…)
  • Un bon compromis entre l’aiguille atraumatique typique et une aiguille triangulaire et l’aiguille dite tapercut, pointue (piquante) à son extrémité avec un corps rond.  Cette aiguille est utilisable dans la plupart des tissus.
  • D’autres extrémités d’aiguille existent. Les ophtalmologistes utilisent le plus souvent des aiguilles de type spatulé,  représentées par le logo  .
4.3. LONGUEUR (du fil) [C] :

Ici de 45 cm, elle varie de 20 à 120 cm selon les matériaux et leur usage. La longueur la plus commune est de 70 cm.          

5. TECHNIQUES DE SUTURE
5.1. PRINCIPES GENERAUX

Une suture se fait plan par plan, de la profondeur à la superficie, en traumatisant le moins possible les tissus avec les instruments. Pour fermer la cavité abdominale par exemple, les plans rencontrés sont successivement  le fascia du plan musculaire; le plan sous-cutané et le plan cutané. Pour fermer un abord latéral du fémur  ayant permis une ostéosynthèse, les plans à suturer sont successivement le fascia lata, le tissu sous-cutané, la peau. La suture est réalisée « aux instruments » ou à la main. Les sutures manuelles, à une main, sont privilégiées en profondeur dans les cavités quand il n’y est pas facile d’introduire les instruments. Toutefois, ce mode de suture n’est pas économique en fil, et les vétérinaires, soucieux de ne pas consommer trop d’aiguillées, préféreront  une  technique instrumentale. Pour ce faire, un porte-aiguille et une pince sont utilisés. Le porte aiguille sert exclusivement à saisir l’aiguille, et jamais le fil, pour ne pas le fragiliser. La pince (atraumatique, de type De Bakey) permet de saisir tantôt le fil tantôt l’aiguille en chirurgie conventionnelle, pas en microchirurgie ou ophtalmologie où la pince, très fragile, ne saisit que le fil et jamais l’aiguille. Ces principes de chirurgie conventionnelle sont transposables à la chirurgie vidéo-assistée (laparoscopie, thoracoscopie), où le chirurgien ne regarde pas ses mains mais un écran, ou en chirurgie robotisée où le chirurgien manipule des bras mécaniques à l’aide de joysticks. Toutefois, pour ne pas avoir à manipuler de façon fastidieuse des sutures dans les cavités, au risque de provoquer une effraction vasculaire, les sutures filaires sont de moins en moins utilisées dans ces conditions au profit de sutures mécaniques (endoclips, endoGIA, etc…).

On appelle ligne de suture la longueur suturée sur un même plan. La ligne de suture est réalisée par des points séparés, bloqués chacun par un nœud, (suture discontinue), ou bien par un surjet avec un nœud de départ et un nœud de fin (suture continue). 

Plusieurs principes universels doivent être respectés :

  • Une suture doit être appositionnelle, ni éversante, ni inversante, c’est-à-dire que les couches de même nature sont apposées (figure 6). On utilisera exceptionnellement des sutures inversantes si on désire enfouir une zone potentiellement inflammatoire et limiter son contact avec les organes alentour.
  • Une suture n’est pas une ligature et ne doit pas ischémier les tissus. Le principe est d’immobiliser les tissus les uns en face des autres sans tension excessive.
  • On choisira toujours le plus petit diamètre possible, et le moins de nœuds possible, en fonction du type de tissu à suturer et de son expérience.
5.2. SUTURE DISCONTINUE PAR POINTS SIMPLES

 Les points simples séparés (simple interrupted) représentent la technique la plus utilisée dans les écoles et universités vétérinaires, où on apprend aux étudiants à faire des nœuds.  Cela consiste à piquer à 3 à 4 mm de l’une des berges de la plaie, à pénétrer en profondeur immédiatement sous le plan que l’on cherche à suturer, à ressortir l’aiguille dans la plaie de façon à piquer l’autre lèvre de la plaie à une profondeur égale à la première (garantissant l’apposition souhaitée et évitant ainsi la marche d’escalier), puis à ressortir du tissu à une distance égale à la distance de point de pénétration (figure 6).

Figure 6 : Points simples séparés. Notez le respect du principe appositionnel, chaque plan étant juste en face de son homologue.

L’avantage des points simples séparés est de limiter le risque de déhiscence de la plaie en cas de lâcher de suture (si une suture lâche, et que les autres tiennent, la plaie ne s’ouvre pas ou s’ouvre peu), et d’obtenir une vraie apposition pour peu que la technique soit respectée. Le principal inconvénient est te temps pris par ce type de sutures. La figure 7, illustrant une reconstruction cutanée par lambeau local après l’excision oncologique d’un mastocytome sur la cuise d’un chien, laisse deviner le temps pris par les sutures.

Figure 7 : Points simples séparés sur une reconstruction par lambeau de transposition local.

D’autres types de points séparés ont été décrits  (figure 8): point de Blair-Donatti ou Vertical Mattress; point en U ou Horizontal Mattress ; point  en X, etc….). Ils présentent l’intérêt d’apposer les plans sur une plus grande épaisseur (Vertical ou Horizontal Matress),  ou longueur (Point en X), mais ne doivent être utilisés qu’exceptionnellement, parce qu’ils compromettent davantage la microvascularisation locale qu’un point simple. De plus le point en U a tendance à être éversant et ne respecte pas la règle appositionnelle.

Figure 8 : Points simples de Blair-Bonatti ; Points en U ; Points en X

5.3. SUTURE CONTINUE PAR SURJET

La suture continue consiste à ne nouer la suture qu’à son départ et à sa terminaison, en faisant progresser le fil de proche en proche par des passages répétés dans les tissus. C’est un moyen plus rapide de fermer une plaie linéaire (ex : sur 10 cm, deux nœuds au lieu d’une quinzaine), cependant moins sûre puisque la tenue globale de l’apposition tissulaire ne repose que sur deux nœuds. Une suture continue suppose une assurance des nœuds, en principe facile à obtenir avec un fil tressé, moins avec un monofilament (voir précédemment).

5.3.1. SURJET SIMPLE (figures 9 et 9’)

Le surjet simple est à la suture continue ce que le point simple est à la suture discontinue : le moyen le plus simple de réaliser la suture tout en respectant son caractère appositionnelle et en minimisant les effets délétères sur la microcirculation locale. C’est le surjet à privilégier en première intention. Sur une longue plaie, le surjet peut être arrêté par un noeud par endroits (par exemple à la moitié de la longueur), avant de poursuivre. Il est également possible de rajouter ci-et là des points simples  ou agrafes de renfort, à la discrétion du chirurgien, mais de façon minimaliste pour ne pas exercer d’effet ligature.

Figure 9 : Surjet simple continu.

Figure 9’ : Surjet simple sur la paroi jéjunale pour fermer une plaie d’entérotomie.

5.3.2. SURJET A POINTS BLOQUES DE FORD (figure 10)

Le surjet à points bloqués dit de Ford est censé être plus sûr que le surjet simple. Si l’un des noeuds se défait, la friction du fil diminue le risque que l’ensemlble du surjet se défasse et que la plaie s’ouvre entièrement. C’est cependant un surjet plus ischémiant que le surjet simple, et son emploi doit être réservé aux tissus richement vasculariés. Il ne doit pas être employé sur l’intestin par exemple où le risque ischémique aurait des conséquences trop graves en cas de déhiscence.

Figure 10 : Surjet à points bloqués dit de Ford

5.3.3. SURJET INTRADERMIQUE (figure 11)

Le surjet intradermique (sub-cutilaire) est un moyen de fermer une plaie cutanée sans que n’apparaisse la suture en surface. Contrairement à une suture cutanée conventionnelle où on utilisera un monofilament irrésorbable (5-0 ; 4-0 ; ou 3-0 selon le format du sujet), on choisira un matériel résorbable de plus petit diamètre (5-0 ou 4-0). Les nœuds des extrémités et l’ensemble de la longueur de la suture sont enfouies. Il y a surtout un intérêt pratique à réaliser une telle suture : ne pas avoir à retirer la suture cutanée 12 à 15 jours après sa pose (intérêt particulier chez les animaux sauvages), et ne pas risquer que le patient endommage sa suture pas grattage ou léchage (particulièrement recherché chez les rongeurs et primates).

Figure 11 : Surjet intradermique.

5.3.4. SURJET DE CUSHING (figure 12)

Le surjet de Cushing est un surjet enfouissant. Par nature non-appostionnelle, il n’a pas vocation à clore une plaie, mais il peut être utilisé pour enfouir une plaie et la protéger du contact avec les tissus alentour (ex : suture d’une plaie gastrique enfouie par surjet de Cushing pour éviter par exemple des adhérences avec le pancréas ou l’intestin grêle). Aujourd’hui peu utilisé : on préférera épiploïser une plaie si besoin d’éviter les adhérences.

Figure 12 : Surjet enfouissant de Cushing

6. CONCLUSION ET POINTS A RETENIR

Les sutures et les ligatures chirurgicales constituent une classe complexe de dispositifs médicaux, caractérisés par de multiples paramètres tant au niveau dufil qu’au niveau de l’aiguille. Ceci explique le nombre très important de produits et de références mis à la disposition des chirurgiens. Le choix d’un type de suture repose sur des critères objectifs, définis par la nature du tissu à suturer, le type de suture à réaliser ou la technique chirurgicale employée, mais aussi sur des critères subjectifs qui dépendent plus des sensations et des impressions personnelles de chaque chirurgien, de ses habitudes et de son expérience. Les relations de confiance qui peuvent s’établir entre le chirurgien et un fournisseur sont également déterminantes dans le choix de ce type de dispositif. Ces différentes exigences diversifient considérablement les demandes d’achats.

On retiendra que les sutures se déclinent en résorbables ou non-résorbables, en fils tressés ou monofilaments. On utilisera les plus petits diamètres possibles pour éviter l’effet corps étranger. Les fils tressés sont plus faciles à utiliser mais sont à proscrire dans les tissus contaminés ou infectés. Les monofilaments peuvent être utilisés partout, encore faut-il renforcer les nœuds par deux à trois clefs supplémentaires.

Compte-tenu de la vitesse de résorption  des matériaux, on utilisera :

  • Pour la peau : un monofilament non-résorbable en polyamide (nylon) type Ethilon 4-0 (voire 5-0 pour les plus petits patients < 2 Kg),  à retirer 12 à 15 jours après la pose ;
  • Pour un surjet intradermique ou le tissu sous-cutané : un monofilament résorbable en 5-0, 4-0 ou 3-0 (selon le format du patient) de type Biosyn, Monosyn, Monocryl ou bien un multifilament résorbable de même dimension de type Vicryl ou Safil (à condition que les tissus soient « propres »).
  • Pour suturer un fascia (exemple : fascia abdominal de la ligne blanche ; fascia lata au niveau de la cuisse), un monofilament ou multifilament résorbable en 3-0, 2-0 ou 0 (selon le format du patient).
  • Pour suturer un tendon, un monofilamanent résorbable lentement type PDS ou Dexon ou non résorbable type Ethilon ou Prolène  en 3-0, 2-0, 0 ou 1 (selon le format du patient).
  • Pour suturer une veine (ex : veine cave après vénotomie pour tumorectomie surrénalienne), un polypropylène type Prolène ou polybutester type Novafil en 6-0 ou 5-0.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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  • Nuiry O, Pedroli E, Simoens X. Ligatures et sutures chirurgicales. Pharm. Hosp.1989; 97: 7-14.
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