Le thymome chez le lapin
Dr Laëtitia GARBAY, Dr Adeline LINSART, Dr Clémentine FUCHS (Unité NACs, CHV Saint-Martin), Dr Marine SCHEFFEN (Unité Imagerie, CHV Saint-Martin)
Le thymome représente 8% des tumeurs chez le lapin5. Aucun désordre immunitaire associé à cette maladie chez cette espèce n’a été décrit pour le moment. Bien qu’assez rare, son diagnostic est indispensable car des traitements existent.
Le thymus du lapin est un organe lymphoïde primaire composé de trois lobes (un lobe gauche et 2 lobes droits) et situé dans le médiastin cranial, cranio-ventralement au cœur (voir Figure 1).
Contrairement au chien ou au chat, cet organe reste présent à l’âge adulte chez le lapin. Le thymus peut s’hyperplasier jusqu’à atteindre 3 à 4 fois sa taille normale, sans pour autant avoir des propriétés tumorales5.
Le thymome correspond à la tumorisation des cellules épithéliales du thymus, et plus particulièrement des cellules lymphoïdes et réticulo-épithéliales. La tumeur peut impliquer les lymphocytes T, il est alors qualifié de lymphome thymique. Les carcinomes thymiques sont aussi rapportés. Ces deux dernières tumeurs sont bien plus rarement observées que le thymome, et seule l’analyse histologique permet de les différencier5.
Le thymome toucherait les lapins âgés de 1 à 10 ans (médiane 6 ans) et aussi bien les mâles que les femelles. La croissance de cette tumeur est lente et les métastases rares, bien qu’elles puissent apparaître localement au niveau de la plèvre6.
Le thymome se manifeste cliniquement par des difficultés respiratoires essentiellement, dues à l’effet de masse sur les poumons. Polypnée, dyspnée mixte voire, respiration gueule ouverte, dilatation des narines secondairement à l’effort respiratoire sont donc des signes qui peuvent être observés. L’auscultation thoracique révèle des bruits respiratoires d’intensité fortement diminuée voire étouffés ainsi qu’une auscultation cardiaque lointaine avec un déplacement caudal du choc précordial.
La plupart des lapins atteints de thymome présente un syndrome veine cave craniale. Il s’agit d’une compression de cette veine par la tumeur, ayant pour conséquence une vasodilatation des sinus veineux rétrobulbaires à l’origine d’une exophtalmie et/ou une procidence de la 3ème paupière de manière bilatérale, voire d’œdèmes des membres thoraciques, du cou et de la tête6. En cas d’exophtalmie, l’œil peut d’ailleurs être facilement repoussé dans son orbite sans aucune douleur, preuve qu’il n’y a pas de masse rétrobulbaire à l’origine de cette exophtalmie.
Enfin, un syndrome paranéoplasique peut être observé, se manifestant essentiellement par une hypercalcémie et une dermatite exfoliative. Néanmoins, l’interprétation de l’hypercalcémie chez le lapin doit être faite avec précaution car cette dernière est largement influencée par le régime alimentaire ou d’autres affections comme une insuffisance rénale débutante par exemple.
Le diagnostic se fait le plus souvent de manière fortuite à l’occasion d’une radiographie thoracique. Une opacité généralisée à tout le médiastin cranial est alors présente (voir Figure 2).
Des cytoponctions échoguidées de la masse permettent de confirmer le diagnostic (voir Figure 3).
Un scanner peut être intéressant afin de localiser précisément la tumeur et de voir son étendue. Cet examen devient essentiel si une chirurgie ou de la radiothérapie sont envisagées.
La radiothérapie apparaît comme le traitement de choix. En effet, plusieurs études rétrospectives1,2 ont été faites dont une qui montre que la radiothérapie permettrait une réduction des signes cliniques très rapide dès la première séance, estimée de 4 à 42 jours, avec une médiane de survie allant de 1 an à plus de 2 ans1. Les complications sont néanmoins nombreuses : insuffisance cardiaque, pneumonite, alopécie, fibrose pulmonaire, ou encore thrombose pulmonaire1. Le coût d’un tel traitement ainsi que les anesthésies à répétition sont également des éléments à prendre en compte pour le propriétaire.
Une seconde alternative est le traitement chirurgical, qui peut d’ailleurs être associé à la radiothérapie pour augmenter les chances de succès. Deux techniques sont décrites (thoracotomie intercostal et sternotomie), bien que la sternotomie soit préférée puisque son abord permet des meilleurs accès et visualisation de la masse médiastinale5. La médiane de survie est estimée de 8 mois à 3 ans1. Il s’agit néanmoins d’une chirurgie complexe et risquée : la mortalité per et post-opératoire est évaluée de 25 à 50%3. Lorsque le patient se trouve en décubitus dorsal, l’effet de la masse sur les poumons provoque une baisse de la ventilation et de la perfusion, augmentant ainsi considérablement le risque anesthésique. L’intubation et une anesthésie de courte durée sont donc des éléments primordiaux pour la survie du patient.
La chimiothérapie est peu décrite chez le lapin et le peu d’études réalisées ne montrent pas une grande efficacité, essentiellement lié aux effets secondaires d’un tel traitement4. Une dernière alternative semble être la mise en place d’une corticothérapie à dose régulée4. La prednisolone (0,5-2 mg/kg BID) est préférentiellement utilisée, de par son effet anti-inflammatoire qui permet de limiter les effets secondaires de la radiothérapie, en particulier la pneumonite5.
Le thymome du lapin est donc une pathologie qui se doit d’être connue car les symptômes sont assez évocateurs et des traitements sont possibles. Malgré leur coût ou leur complexité, les propriétaires doivent être au courant des alternatives possibles puisque le pronostic est sombre sans mise en place de traitement (médiane de survie de l’ordre de quelques mois).
- 1Andres KM, Kent M, Siedlecki CT, et al. The use of megavoltage radiation therapy in the treatment of thymomas in rabbits: 19 cases. Vet Comp Oncol. 2012;10(2):82–94.
- 2Dolera M, Malfassi L, Mazza G, et al. Feasability for using hypofractionated stereotactic volumetric modulated arc radiotherapy (VMAT) with adaptative planning for treatment of thymoma in rabbits : 15 cases. Vet Radiol Ultrasound. 2016,57(3):313-320.
- 3Künzel F, Hittmair KM, Hassan J, et al. Thymomas in rabbits: clinical evaluation, diagnosis, and treatment. J Am Anim Hosp Assoc. 2012;48(2):97–104.
- 4Morrisey JK, McEntee M. Therapeutic options for thymoma in the rabbit. Semin Avian Exot Pet Med. 2005;14(3):175–81.
- 5Quesenberry K., Carpenter J. Cardiovascular Disease, Lymphoproliferative Disorders, and Thymomas . In « Ferrets, Rabbits and Rodents. Clinical Medicine and Surgery ». 3rd ed, Missouri, ed. Saunders. 2012:257-267.
- 6Van Zeeland Y. Rabbit Oncology : Diseases, Diagnostics and Therapeutics. Vet Clin Exot Anim. 2017;20:135-182.