Le « Limb-spare » par endoprothèse :
une technique chirurgicale permettant de conserver le membre lors de tumeurs osseuses

Dr Jennyfer THIBAUD, Dr Fabrice BERNARD (CHV Saint-Martin)

Le « limb-spare » (terme anglo-saxon) par endoprothèse, ou technique de conservation du membre (terme francophone), est une chirurgie alternative à l’amputation, classiquement réalisée sur des patients atteints de tumeur du squelette appendiculaire. Cette technique consiste à retirer la portion d’os tumorisé, puis à remplacer ce même fragment par une endoprothèse.

Les OS représentent environ 80% des tumeurs osseuses malignes les plus communément rencontrées chez les carnivores domestiques. Les autres tumeurs osseuses rencontrées moins fréquemment sont : les chondrosarcomes (10%), les fibrosarcomes (entre 0 et 9%) et les hémangiosarcomes (entre 3 et 8%).

Les OS sont des tumeurs agressives localement associées à un fort taux de métastases notamment au niveau pulmonaire. Les chiens de grandes races ainsi que les races géantes semblent prédisposées (Rottweiler, Berger Allemand, Boxer, Doberman, Dogue Allemand…).  Ces tumeurs sont plus fréquemment rencontrées chez des patients d’âge moyen à âgé. Les OS du squelette appendiculaire sont le plus souvent localisés au niveau des os longs des membres thoraciques, particulièrement au niveau du radius.

Radiographie préopératoire de profil du radius/ulna d’un Léonberg de 7 ans

Principe :

Le traitement optimal des tumeurs osseuses appendiculaires repose sur l’excision chirurgicale de la tumeur combinée à une chimiothérapie. L’amputation du membre atteint permet le contrôle local de la tumeur et est relativement peu onéreuse. Cependant, celle-ci peut parfois être contre-indiquée. Le « limb-spare » est une technique chirurgicale alternative qui permet de soulager le patient et de prolonger son espérance de vie, tout en préservant le membre atteint. Une ostéctomie du fragment d’os incluant la tumeur est réalisée. Le fragment d’os était remplacé le plus souvent par un fragment d’os normal de taille similaire, provenant d’un autre chien. Le fragment d’os excisé est dorénavant remplacé par une endoprothèse. Une arthrodèse de l’articulation adjacente (carpe ou épaule) est parfois nécessaire. Cette technique de conservation du membre est la plus souvent utilisée  dans le cadre d’OS localisés au niveau du radius distal. Cependant, elle a aussi été décrite avec succès pour d’autres sites (fémur proximal notamment). La composition des endoprothèses est variable, la plupart d’entre elles sont en acier chirurgical.

Avantages :
  • Les propriétaires réfractaires à réaliser une amputation sur leur animal de compagnie se voient offrir une alternative.
  • L’endoprothèse assure le soutien mécanique du membre affecté et le patient conserve sa mobilité.
  • Cette technique est une bonne option pour les patients présentant une contre-indication à l’amputation d’un membre, comme par exemple des animaux souffrant de troubles orthopédiques ou encore neurologiques, des patients ayant déjà subi une amputation antérieure ou des chiens de gros gabarit.
Planification et technique chirurgicale :
  • Un bilan d’extension préalable est nécessaire afin de s’assurer de l’absence de métastases (notamment au niveau du parenchyme pulmonaire). Pour cela, un scanner corps entier est recommandé. La tumeur ne doit pas affecter plus de 50% de la longueur de l’os afin de permettre une stabilisation adaptée de l’os après insertion de la prothèse et, ne doit pas être trop invasive localement au sein des tissus adjacents.
  • L’endoprothèse est ensuite sélectionnée sur la base des mesures réalisées sur les images scanner.
  • Etant donné la taille des implants utilisés et le risque significatif d’infection postopératoire, une asepsie très rigoureuse doit être respectée. Le fragment d’os tumorisé est reséqué en respectant 3cm de marge, et en étant attentif aux structures musculaires, vasculaires et nerveuses périphériques. Ces tumeurs affectent principalement les métaphyses osseuses. Une désarticulation de l’articulation adjacente est souvent nécessaire. L’endoprothèse est ensuite positionnée et fixée au membre du patient à l’aide d’une plaque et des vis.

Ostéctomie radiale d’un Rottweiler de 10 ans

Portion distale du radius réséquée d’un Rottweiler de 10 ans

Radiographie postopératoire de profil du radius/ulna d’un Léonberg de 7 ans

Période postopératoire immédiate et suivis :
  • Le suivi post-opératoire doit être rigoureux afin de prévenir les complications. Un suivi radiographique est recommandé à 1 mois et à 3 mois après l’intervention. Des radiographies du membre et du thorax tous les 3 mois permettent de s’assurer de l’absence de complications et de métastases. Une antibiothérapie postopératoire de longue durée est initiée afin de minimiser le risque d’infection.
  • La chimiothérapie permet de prolonger l’espérance de vie du patient. La chimiothérapie peut être réalisée en pré-, intra- ou postopératoire.
L’endoprothèse :

Les endoprothèses utilisées au cours de cette chirurgie peuvent être de deux types:

  • Des endoprothèses réalisées sur mesure et unique pour chaque patient atteint d’une tumeur osseuse appendiculaire. Très peu d’entreprises dans le monde proposent ce service personnalisé. Ces implants ont l’avantage de correspondre parfaitement à l’anatomie du patient et au caractère invasif local de la tumeur, diminuant ainsi le temps opératoire ainsi que le risque d’infection associé.
  • Des endoprothèses de tailles standardisées commercialisées par quelques entreprises (Veterinary Orthopedic Implants, USA). Ces implants sont généralement constitués d’acier inoxydable ou de titane. Ils sont plus facilement disponibles et moins onéreux. Le désavantage de ces endoprothèses est un nombre de tailles disponibles limité

Il a été prouvé que le choix du matériau de l’implant n’influe pas sur le risque d’infection postopératoire ainsi que sur les risques d’échecs de la chirurgie.

Résultats :

Léonberg de 7 ans à 6 semaines postopératoire

Entre 80 à 90% des cas récupèrent une fonction du membre opéré bonne à excellente après leur période de convalescence. L’espérance de vie après « Limb-spare » est similaire à celle de l’amputation que celle-ci soit combinée à une chimiothérapie ou non.

Vidéos démontant un bon résultat fonctionnel suite à une intervention de limbspare :

Complications :
  • Une défaillance des implants : l’arrachement ou la rupture des vis, ou la fracture de la plaque stabilisant l’endoprothèse sont des complications survenant dans 36 à 40% des cas. La mise au repos strict pendant plusieurs semaines est obligatoire pour favoriser un remodelage de l’os.
  • Le taux d’infection postopératoire est 8 à 15 fois supérieur à une chirurgie orthopédique classique. Une asepsie stricte et rigoureuse ainsi qu’une antibiothérapie per et postopératoire sont fortement recommandées afin de minimiser les risques infectieux.
  • Le risque de récidive tumorale est un facteur important, rencontré dans 15 à 25% des cas.

CONCLUSION

Le « Limb-spare » est une alternative chirurgicale à l’amputation d’un membre atteint d’une tumeur osseuse du squelette appendiculaire chez le chien et le chat. Son utilisation est à considérer chez certains patients non-candidats à une amputation conventionnelle ou lorsque les propriétaires sont réfractaires à la perte d’un membre. Les complications n’étant pas rares, la sélection des patients est primordiale. Les résultats fonctionnels sont satisfaisants après quelques semaines de convalescence.

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