La Maladie de Lyme

Dr Anaïs JOUËT, Dr Anne-Charlotte BARROT (CHV Saint-Martin)

La maladie de Lyme est une maladie transmise par les tiques qui atteint à la fois l’Homme et le chien. L’homme est nettement plus sensible que le chien. Seulement 10 % des hommes ne développeront pas de signes cliniques contre 90 à 95 % des chiens. Certains chats peuvent être séropositifs mais il n’est pas certain qu’ils développent la maladie. La maladie est causée par une bactérie, plus précisément un spirochète, gram négatif, de type Borrelia spp. Borrelia burgdorferi (Bb) est l’agent responsable de la maladie de Lyme. La bactérie est transmise d’un animal à l’autre par une tique du genre Ixodes (Ixodes ricinus en Europe) qui infecte les mammifères et les oiseaux. Les nymphes et les tiques adultes peuvent s’accrocher sur les animaux domestiques et les humains. Le cycle de la tiques qui dure environ 2 ans, et la transmission de la bactérie est transstadial [1].

1. Quels sont les signes cliniques associés à la maladie de Lyme ?

La maladie est le plus souvent asymptomatique chez les chiens séropositifs pour Lyme. Les signes cliniques, lorsque présents, arrivent plusieurs mois (3 à 5) après l’infestation. En Europe, les Bouviers bernois semblent plus souvent séropositifs mais la raison est inconnue [8].

  • 1.1.L’arthrite de Lyme

Entre 5 et 10 % des chiens séropositifs développent des signes cliniques liés à une arthrite de Lyme. L’arthrite de Lyme est une polyarthrite immunomédiée ; c’est-à-dire que des complexes immuns se fixent sur la capsule articulaire et provoquent une distension. Les signes cliniques associés sont un syndrome fièvre (abattement, anorexie, hyperthermie), une distension articulaire, une boiterie alternante entre les membres, des articulations chaudes et douloureuses. Pour confirmer la présence d’une polyarthrite, il faut réaliser des ponctions articulaires.

Réalisation de la ponction articulaire d’un tarse de façon stérile

Il est important également d’exclure les autres causes de polyarthrite (autres maladies infectieuses, tumeurs…) avant de conclure à une arthrite de Lyme.

  • 1.2.La néphrite de Lyme

Elle est présente chez moins de 2 % des chiens séropositifs. La néphrite de Lyme mime toutes les autres formes de néphropathie avec perte de protéines. Les signes cliniques peuvent être occultent (protéinurie) ou dramatiques (thromboembolies, …) [1]. Toutefois, aucun test ne permet actuellement de mettre en évidence la présence de complexes immuns liés à la maladie de Lyme au niveau de la membrane glomérulaire [8].

Moins de 30 % des chiens présentant une néphrite de Lyme ont ou ont eu un/des épisode(s) de boiterie [8].

Les symptômes neurologiques et cardiaques, que l’on retrouve chez l’homme sont mal documentés chez le chien [3].

2. Comment se fait le diagnostic de la maladie ?

Il existe différents tests diagnostiques. Toutefois, les cultures et les PCR ne sont pas utilisées. En effet, les cultures sont souvent longues et les bactéries fragiles. Concernant les PCR, comme la bactériémie est faible et fugace, il est peu probable d’avoir une PCR positive. La sérologie via la détection des anticorps dirigés contre Bb est donc la plus utilisée. [1]. C’est une maladie qui est souvent sur-diagnostiquée car les anticorps dirigés contre Bb sont communs aux chiens sains et malades [3]. Suite à une exposition naturelle au pathogène, il faudra 2 à 3 semaines pour détecter les anticorps dans le sang et les signes cliniques apparaissent au bout de 3 à 5 mois environ. Ceci implique que si l’animal présente des signes cliniques en faveur d’une maladie de Lyme mais une sérologie négative, la maladie de Lyme peut être exclue [8].

Le test qui peut être utilisé en clinique est le test SNAP 4Dx® (IDEXX). Il donne un résultat qualitatif pour la présence d’anticorps dirigés contre le peptide antigénique C6. Ce peptide appartient à une région constante d’un antigène spécifique de Bb quand la bactérie est dans l’hôte suite à une exposition naturelle au pathogène. Cet antigène n’est pas présent dans la tique ou dans le vaccin. Ce test est très sensible et très spécifique.

Le test C6Quant® (IDEXX) quant à lui, donne un résultat quantitatif. Il est utilisé en pratique lorsque le Snap4DX est positif. Il ne permet pas de prédire la maladie et le clinicien ne doit pas se baser sur les résultats de ce test afin de commencer un traitement sur un animal qui ne présente pas de symptôme. Il est recommandé de contrôler les C6Quant 3 à 6 mois après l’initiation du traitement. En effet, il sera une aide pour le suivi de la maladie en nous donnant une valeur de base ce qui permettra par la suite de savoir s’il y a une réinfection ou rechute [8].

3. Quel est le traitement adapté ?
  • 3.1. Gestion des chiens séropositifs asymptomatiques, non protéinuriques

Il n’est pas recommandé de traiter ces patients car il n’est pas prouvé que la mise en place d’une antibiothérapie permette de prévenir les maladies futures. Il est conseillé de suivre 2 à 3 fois par an l’apparition d’une protéinurie.

  • 3.2. Gestion des chiens séropositifs présentant une arthrite et de la fièvre

Avant de commencer un traitement pour la maladie de Lyme, il convient de confirmer la présence d’une polyarthrite (en réalisant des ponctions articulaires) et d’exclure les autres causes de polyarthrite (autres maladies infectieuses, tumeurs…).

En pratique, une antibiothérapie est souvent initiée. La doxycycline est l’antibiotique de choix en raison des co-infections possibles et de ses propriétés anti-inflammatoires [8]. La réponse aux antibiotiques se fait en 1 ou 2 jours généralement.  L’antibiothérapie est initiée sur 4 semaines à la dose de 5-10 mg/kg 2 fois par jour mais la durée nécessaire du traitement n’est pas connue [1,8]. En cas d’absence d’amélioration significative de l’arthrite en 24-72 heures ou lors de réponse inadéquate au traitement après 1 mois, d’autres causes de l’arthrite doivent être recherchées [1].

  • 3.3. Gestion des chiens séropositifs et protéinuriques

Avant de commencer le traitement pour la maladie de Lyme, il s’agit aussi d’éliminer les autres causes de protéinurie.

Un traitement antibiotique sur 1 mois est souvent mis en place mais la durée optimale du traitement n’est pas connue [1,5]. A cela s’ajoute le traitement classique de la glomérulonéphrite (inhibiteurs de l’enzyme de conversion à l’angiotensine ou telmisartan, régime pauvre en protéines, complémentation en oméga 3, antithrombotiques, antihypertenseurs et le traitement de la maladie rénale chronique). Le suivi de la protéinurie est recommandé toutes les 1 à 2 semaines chez les patients qui ont des signes cliniques. Si des biopsies rénales confirment un processus à médiation immune, ou chez les animaux qui ne répondent pas à la thérapie ou dont la maladie progresse très rapidement, une thérapie immunosuppressive peut être initiée [8].

4. Comment prévenir la maladie de Lyme ?
  • 4.1. Le contrôle des tiques

Il semble que la bactérie ne soit transmise à l’hôte qu’après environ 48 heures d’attachement de la tique. Cependant, afin d’éviter tout risque de transmission (d’autres maladies également), il est préférable d’utiliser des produits qui tuent les tiques immédiatement après leur attachement ou qui préviennent l’attachement de la tique sur son hôte. Les produits à privilégier sont ceux contenant de la perméthrine (Advantix®), des pyréthroïdes (Seresto®), de l’amitraz (Preventic®) car ils empêchent l’attachement de la tique [1]. De plus, il existe une nouvelle classe d’insecticide-acaricide appelée isoxazoline qui semble efficace pour tuer les tiques du genre Ixodes notamment mais sans effet répulsif. Cette molécule est présente dans le Nexgard®, le Bravecto®, le Simparica® et le Crédélio®. La tique doit s’attacher sur l’hôte et se nourrir pour être tuée. Il semblerait qu’elle meure avant que la maladie ne puisse être transmise à l’hôte [7].

  • 4.2. Vaccination contre la maladie de Lyme

Plusieurs types de vaccins existent et permettent de réduire le nombre de Bb dans l’intestin ou les glandes salivaires de la tique quand elle se nourrit [1]. Cependant, la vaccination est controversée pour diverses raisons : il existe de très bons produits anti-tiques qui permettent également de prévenir la transmission des maladies concomitantes, le vaccin n’empêche pas l’infection à 100%, l’immunité vaccinale induite est variable selon l’animal,  il existe des effets post-vaccinaux, et la vaccination peut donner un faux sentiment de sécurité, etc. Il est donc recommandé de vacciner les chiens séronégatifs vivant dans des zones très endémiques et les chiens séropositifs en bonne santé pour qui le risque de réinfection est important. Il n’est pas recommandé de vacciner les chiens malades ou protéinuriques [8].

La maladie de Lyme est une maladie encore assez méconnue et difficile à diagnostiquer en médecine vétérinaire. La prévention via l’utilisation d’antiparasitaires est primordiale.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
  1. Littman MP. Lyme disease. In : Ettinger SJ, ed, Textbook of veterinary internal medicine. Eighth ed. St Louis : Elsevier ; 2017 : 2259-65.

  2. Lafleur RL et coll. Vaccination with the ospA– and ospB-Negative Borrelia burgdorferi Strain 50772 Provides Significant Protection against Canine Lyme Disease. Clin Vaccine Immunol.  2015 ; 22 :836-9

  3. Littman MP. Borreliosis. In: Kirk’s Current veterinary therapy XV. Philadelphia : WB Saunders ; 2013 : 2982-9.

  4. Moroff S et coll. Multiple antigen target approach using the Accuplex4 BioCD system to detect Borrelia burgdorferi antibodies in experimentally infected and vaccinated dogs. J Vet Diagn Invest. 2015 ; 27 : 581– 8.

  5. Wagner B et coll. Comparison of effectiveness of cefovecin, doxycycline, and amoxicillin for the treatment of experimentally induced early Lyme borreliosis in dogs. BMC Vet Res. 2015 ; 11 : 163-171

  6. Feng J et coll. Persister mechanisms in Borrelia burgdorferi: implications for improved intervention. Emerg Microbes Infect. 2015 ; 51 : 1-3

  7. Baker CF et coll. Ability of an oral formulation of afoxolaner to protect dogs fromBorrelia burgdorferi infection transmitted by wild Ixodes scapularisticks. Comp Immunol Microbiol Infect Dis. 2016 ; 49 : 65–9.

  8.  

    Littman MP et coll. ACVIM consensus update on Lyme borreliosis in dogs and cats. J Vet Intern Med. 2018, 32, 887-903