La dermatite atopique existe-t-elle chez le chat ?
Dr Emilie VIDÉMONT-DREVON (CHV Saint-Martin)
Un groupe d’experts en dermatologie vient de passer au crible les différents articles, publiés entre 1950 et 2020, concernant la « dermatite atopique » chez le chat.
Prurit cervico-facial chez un chat souffrant d’un syndrome atopique félin
Alopécie extensive chez un chat souffrant d’un syndrome atopique félin
Depuis la première mention de la dermatite atopique chez le chat en 1982 par un auteur américain pour désigner des chats présentant un prurit récurrent, des tests cutanés positifs pour les aéroallergènes et une exclusion des autres causes de dermatose prurigineuse, son existence chez le chat est soumise à débat et l’utilisation du terme « dermatite atopique » dans cette espèce controversée. Cette controverse est basée sur l’absence de mise en évidence réelle, chez le chat, des éléments permettant de définir la dermatite atopique chez l’homme ou le chien : prédisposition génétique, défaut de barrière cutanée, patron lésionnel évocateur et implication, le plus souvent, des IgE spécifiques des aéroallergènes.
Le groupe d’expert [1] recommande l’utilisation du terme « syndrome atopique félin » pour désigner les manifestations cutanées, respiratoires ou digestives, en lien avec une sensibilisation aux allergènes environnementaux ou alimentaires. Le terme de « syndrome félin de la peau atopique » est inclus dans ce groupe et désigne, plus spécifiquement, les manifestations cutanées en lien avec les allergènes environnementaux. Celui-ci remplace le terme de « dermatite par hypersensibilité non liée aux puces, ni à l’alimentation » utilisée depuis quelques années dans la communauté dermatologique vétérinaire.
Des tentatives de définition de sets de critères diagnostiques ont été réalisées, à l’instar de ce qui existe chez le chien mais aucune liste de critères discriminants n’a été identifiée entre les chats « atopiques » et ceux souffrant d’autres dermatoses prurigineuses, notamment allergiques [2]. La distribution des lésions est similaires quelque soit l’allergie en cause même si l’atteinte faciale est un peu plus fréquente lors d’hypersensibilité alimentaire et l’atteinte dorsolombaire lors de dermatite par hypersensibilité aux piqûres de puces.
Le « syndrome félin de la peau atopique » se déclare plutôt chez le jeune chat (âge moyen rapporté variant de 5 mois à 4,8 ans). Il se traduit, le plus souvent, par un des grands patrons lésionnels du chat, c’est-à-dire, par ordre de fréquence : alopécie extensive, prurit cervico-facial, dermatite miliaire et lésions du complexe granulome éosinophilique. Plus d’un tiers des chats présente plus de deux patrons lésionnels. Un prurit diffus peut, également, être observé et une séborrhée est fréquente.
La fréquence des signes extra-cutanés est difficile à déterminer car peu d’études se sont spécifiquement intéressées à ce point. L’association avec l’asthme, pathologie bien connue du chat, pourrait être sous-estimée.
Du fait de l’absence de signes cliniques spécifiques, les auteurs insistent sur la nécessité d’une démarche diagnostique rigoureuse afin d’exclure les causes infectieuses et les autres causes d’allergie. Des examens complémentaires sont donc systématiquement nécessaires pour exclure les premières : raclages cutanés, examens directs de scotch, examen du produit de brossage pour les ectoparasites, trichogramme, culture et PCR fongique pour la dermatophytose et cytologie cutanée pour les bactéries et les levures. La mise en place d’un traitement antiparasitaire rigoureux pendant 9 à 12 semaines du chat, de ses congénères, voir du milieu de vie ainsi que la prescription d’un régime d’éviction pendant 8 semaines sont indispensables pour exclure les autres causes d’hypersensibilité avant de conclure à un « syndrome félin de la peau atopique ».
Les auteurs rappellent également que, comme chez le chien, les tests allergologiques ne permettent pas de diagnostiquer un « syndrome félin de la peau atopique » mais uniquement d’identifier les allergènes auxquels le chat est sensibilisé, une fois que ce diagnostic est établi. La réalisation et l’interprétation des intradermoréactions sont plus délicates chez le chat que chez le chien. Cela est lié aux caractéristiques de sa peau, plus ferme et élastique et, probablement, à une décharge de cortisol liée au stress plus importante qui réduit l’intensité des réactions observées. Une solution pourrait consister en l’injection intraveineuse de fluorescéine puis la lecture des tests cutanés sous lampe de Wood 15 à 20 minutes plus tard. Les concentrations des allergènes utilisées chez le chien pour les intradermoréactions ne sont peut-être, également, pas adaptées à l’espèce féline. Il existe encore trop peu d’études sur la spécificité et la sensibilité du dosage des IgE sériques spécifiques d’allergènes pour que cette analyse soit recommandée dans cette espèce.
- Halliwell R et coll. Feline allergic diseases: introduction and proposed nomenclature. Vet Dermatol 2021 ; 32 : 8-e2.
- Santoro D et coll. Clinical signs and diagnosis of feline atopic syndrome: detailed guidelines for a correct diagnosis. Vet Dermatol 2021 ; 32 : 26-e6.