Intoxication à la perméthrine chez un chat

Dr Katarina Slivkova (CHV Saint-Martin) –
Dr Anne-Charlotte Barrot (CHV Saint-Martin)

Une chatte européenne stérilisée de 7 ans avec accès à l’extérieur est présentée aux urgences pour des tremblements et de l’ataxie.
Le jour-même, elle a reçu un antiparasitaire en spot-on à base de perméthrine. De retour chez elle, la propriétaire a constaté rapidement une agitation et une agressivité. La chatte est correctement vaccinée et vermifugée, et reçoit un aliment industriel en croquettes.

En arrivant à la clinique la chatte est en status épilepticus généralisé. Une administration de diazépam (Valium®[H]) intrarectale à dose de 0,5 mg/kg est effectuée. Une fois la crise épileptiforme sous contrôle, un cathéter intraveineux a pu être mis en place. A l’examen clinique, la chatte est tendue, raide et en tachypnée. Sa température est de 39ºC. La palpation abdominale est souple, non douloureuse. L’auscultation cardiaque ne révèle aucune anomalie. L’auscultation pulmonaire met en évidence des bruits bronchovésiculaires augmentés sans bruit surajouté.

En raison de l’anamnèse et des signes cliniques en faveur, le diagnostic d’intoxication à la perméthrine est rapidement porté.

QUESTIONS
1. Qu’est ce que la perméthrine ? Quelle est la cause (ou les causes) d’intoxication chez le chat ? Quelle est la dose léthale ?
2. Quel traitement envisagez-vous ?
3. Quand utiliser des émulsions lipidiques ?

RÉPONSES
1. Qu’est ce que la perméthrine ? Quelle est la cause (ou les causes) d’intoxication chez le chat ? Quelle est la dose léthale ?

Les perméthrines font partie de la classe I des insecticides pyréthrinoides. Ils sont des composés organiques artificiels conçus à partir de modèles naturels présents dans le pyrèthre, une variété de chrysanthème [1].
La perméthrine est une molécule lipophilique, ceci explique par ailleurs leur affinité élevée pour les tissus riches en lipides (système nerveux, foie, tissu adipeux), d’où leur action et leur toxicité pour le système nerveux.
Même si à ce jour il n’existe aucune source qui établit de manière certaine la cause de la toxicité des métabolites de la perméthrine, une hypothèse émise par Whitten pourrait expliquer la sensibilité augmentée du chat à la perméthrine : il pense que la déficience dans la fonction de glucuronoconjugaison hépatique présente chez les chats est à l’origine d’un retard de l’élimination rénale des métabolites et de leur accumulation dans les tissus adipeux et nerveux [2].

Les doses létales (DL50) de la perméthrine varient en fonction de la voie d’administration :

  • par voie cutanée, la dose létale est de 100 mg/kg chez le chat, cette dose est atteinte avec l’administration d’un millilitre par spot-on concentré à 45 % de perméthrine, pour un chat de 4,5 kg ;
  • par voie orale, la dose létale est supérieure à 200 mg/kg chez le chat [3]. Attention, les chats en se léchant peuvent en absorber par voie orale.
2. Quel traitement envisagez-vous ?

Le traitement de cette intoxication est symptomatique comme pour une grande partie des intoxications. Plus récemment, l’administration d’une émulsion lipidique était recommandée comme un antidote potentiel pour les intoxications aux perméthrines; étant donné qu’il sagit d’une molécule lipophile.
Supprimer les crises convulsives et éliminer du toxique cutané (shampoing), pour minimiser l’absorption continue de la perméthrine sont les premières étapes du traitement en urgence.

Ici, une administration de diazépam (Valium®) par voie intrarectale, puis par voie intraveineuse à dose de 0,5 mg/kg, et un shampoing avec du liquide vaisselle avec de l’eau tiède sont effectués. Comme l’arrêt du status épilepticus à l’administration de diazépam ne permet pas une stabilisation plus de 20 minutes et que des crises focales persistent, l’injection d’une émulsion lipidique à 20 % (SMOFlipid® 200 mg/mL) est réalisée en perfusion.

Des crises focales persistent et un premier bolus d’émulsion lipidique est administré.

Pendant la journée, l’animal reste sous perfusion d’une solution isotonique et son état s’améliore légèrement. Des crises focales intermittentes sont toujours présentes, mais leur fréquence diminue. Un autre traitement intralipidique est renouvelé 9 heures après la première administration, de la même façon qu’auparavant. Pendant la nuit, l’état de la chatte s’améliore nettement, et elle est rendue à ses propriétaires après encore 24 heures d’hospitalisation pour s’assurer de la bonne élimination du toxique et la résolution complète des signes cliniques.

3. Quand utiliser des émulsions lipidiques?

Depuis plusieurs décennies, l’émulsion lipidique a été utilisée pour la nutrition parentérale en médecine humaine et vétérinaire. Leur intérêt en toxicologie a été montré après l’intoxication par de la bupivacaïne.

Le mécanisme d’action des émulsions lipidiques est encore mal connu.
Il y a plusieurs théories :

  • fournir aux myocytes des substrats énergétiques augmentant ainsi la performance cardiaque ;
  • restaurer la fonction myocardique en augmentant la concentration intracellulaire de calcium ;
  • séquestrer des toxines liposolubles dans l’espace intravasculaire par l’expansion du compartiment des lipides dans le sang (« lipid sink »), à l’écart des tissus ;
  • surmonter l’inhibition du métabolisme mitochondrial des acides gras par l’augmentation du pool des acides gras.

Les hypothèses les plus répandues sont la théorie de l’augmentation de la performance cardiaque et celle du « lipid sink »[4].

Une fois entamé, émulsion lipidique doit être conservée au réfrigérateur et utilisées dans les 24 heures.

Le protocole utilisé en médecine vétérinaire est extrapolé de médecine humaine. Une dose totale de 8 à 12 mL/kg/j a été suggérée [4]. Les toxiques traités avec succès avec une émulsion lipidique sont notés dans le Tableau 1.
Parce que l’utilisation d’émulsion lipidique est hors AMM, un accord des propriétaires est nécessaire avant la mise en place de ce type de traitement.
Les poches entamées doivent être conservées au réfrigérateur et utilisées dans les 24 heures [5].

Tableau 1

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
  1. Mrad E. Les antiparasitaires externes chez les carnivores domestiques. École Nationale de Médecine Vétérinaire de Sidi Thabet ; Thèse ; 2011 ; 57-61.
  2. Whittem T. Pyrethrin and Pyrethroid Insecticide Intoxication. Cats. Compend Contin Educ Pract Vet. 1995 ; 17 : 489-95.
  3. Hansen SR. Pyrethrins and pyrethroids, In : Peterson ME, Talcott PA, eds, Small Animal Toxicology. Second ed. St Louis : Elsevier Saunders ; 2006 : 1002-8.
  4. Bonagura JD, Twedt DC. Intravenous Lipid Emulsion Therapy. In : Kirk’s Current Veterinary Therapy. 15th ed. St. Louis : Elsevier Saunders ; 2013 : 106-9.
  5. Fernandez AL et coll. The use of intravenous lipid emulsion as an antidote in veterinary toxicology. J Vet Emerg Crit Care. 2011 ; 21 : 309-20.
  6. Waratuke KE. Treatment for lipophilic toxicity. NAVC Clinician’s Brief, October 2012.
  7. Coppock R. Advisory : Bromethalin rodenticide – No known antidote. Can Vet J. 2013 ; 54 : 557-558.
  8. Bolfer L et coll. Treatment of ibuprofen toxicosis in a dog with IV lipid emulsion. J Am Anim Hosp Assoc. 2014 ; 50 : 136-40.
  9. Meola SD et coll. Evaluation of trends in marijuana toxicosis in dogs living in a state with legalized medical marijuana : 125 dogs (2005-2010). J Vet Emer Crit Care. 2012 ; 22 : 690-6.
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