Hyperparathyroïdie primaire dû à un adénome parathyroïdien chez un chien

Dr Tiaré DELAUNE (CHV Saint-Martin), Dr J. REMY (Clinique Vétérinaire des Etangs, Villars- les-Dombes), Dr Fabrice BERNARD (CHV Saint-Martin)

Anamnèse

Un chien Setter Anglais âgé de 5,5 ans est présenté pour exploration d’un syndrome polyuro-polydipsique (PuPd) évoluant depuis 1 mois. L’animal ne présente aucun autre symptôme, ni antécédent médical.

Examen clinique

Aucune anomalie n’est détectée à l’examen clinique, notamment au toucher rectal. L’analyse d’urine est sans anomalie, la densité est de 1,020. La seule anomalie détectée au bilan biochimique et hématologique est une augmentation persistante de la calcémie totale (2 mesures effectuées à 1 semaine d’intervalle). Une mesure de calcium ionisé confirme l’hypercalcémie à 1,83 mmol/L (VU = 1,25-1,5).

Hypothèses diagnostiques

Sur la base de l’anamnèse et des données biochimiques, un phénomène néoplasique ou paranéoplasique apparaît comme l’hypothèse la plus probable. Un hypocorticisme, une maladie granulomateuse ou une intoxication sont moins plausibles. L’insuffisance rénale a été infirmée par l’analyse urinaire et l’examen biochimique.

Diagnostic différentiel d’une hypercalcémie et examens complémentaires conseillés chez le chien

Examens complémentaires

Une échographie abdominale et une radiographie thoracique ne révèlent aucune anomalie. Un dosage de la parathormone (PTH) révèle une valeur légèrement supérieure à la normale (209 pg/mL, VU < 200). Une hypercalcémie associée à une PTH augmentée est pathognomonique d’une hyperparathyroïdie primaire.

L’examen échographique de la région cervicale met en évidence un épaississement discret de la glande parathyroïde crâniale droite, associé à une nette asymétrie entre les parathyroïdes droite et gauche, laissant suspecter la présence d’un nodule parathyroïdien crânial à droite.

Images échographiques des deux glandes parathyroïdes crâniales. Asymétrie nette entre la glande crâniale droite et la glande crâniale gauche.

Le bilan d’extension tomodensitométrique cervical et thoraco-abdominal ne met en évidence aucune métastase

DIAGNOSTIC

Hyperparathyroïdie primaire due à une probable tumeur de la parathyroïde crâniale droite.

Traitement chirurgical

Un abord cervical ventral centré environ 5 cm caudalement au larynx est réalisé. La glande parathyroïde crâniale droite est identifiée et un nodule est détecté lors de sa palpation.

Vue per opératoire. La glande parathyroïde crâniale droite (triangle blanc) présente un nodule (flèche orange). La glande thyroïde (flèche noire) et les artères thyroïdiennes crâniale et caudale (étoile blanche) sont identifiables.

La glande parathyroïde est excisée en prenant une marge de 1 mm sur la glande thyroïde droite.

Vue suite excision de la glande parathyroïde crâniale droite.

Suivi

Le calcium ionisé mesuré 48 heures après l’intervention se situe dans les normes (1.37mmol/L). La réalisation de calcémies journalières pendant 5 jours est conseillée et effectuée par la propriétaire vétérinaire du chien. Les valeurs se situent dans les normes de l’espèce.

La période postopératoire se passe sans anomalie. Le chien reste hospitalisé 48h. Un repos strict avec minimisation des efforts est imposé à la maison sur une durée de deux semaines. L’analyse histologique conclut à un adénome parathyroïdien.

Deux ans après l’intervention, le chien conserve un excellent état général et une absence de récidive.

DISCUSSION

Ce cas clinique illustre le diagnostic et la prise en charge d’une hyperparathyroïdie primaire secondaire à un adénome parathyroïdien. Son pronostic à long terme est excellent après le traitement chirurgical.

L’adénome parathyroïdien est la cause la plus fréquente d’hyperparathyroïdie primaire (présent dans 75-85 % des cas selon les études). Plus rarement une hyperplasie ou un carcinome unique peuvent en être responsables [1,2].

Alors que les tumeurs parathyroïdiennes apparaissent en général chez les chiens d’âge moyen à avancé (moyenne d’âge de 11 ans) [1], le chien concerné ici n’avait que 5,5 ans. Il ne faut donc pas exclure cette maladie sur la base de l’âge de l’animal.

Dans notre cas, la présence d’une polyurie-polydipsie notée par la propriétaire nous a permis d’orienter le diagnostic. Cependant dans plus d’un tiers des cas, les propriétaires ne remarquent aucun symptôme [3]. Lorsqu’ils sont présents, les signes cliniques sont souvent frustes et non spécifiques. Ils sont dus aux effets de l’hypercalcémie résultant de la production excessive de PTH et incluent majoritairement des manifestations urinaires (PuPd, infection du tractus urinaire et urolithiases). Moins fréquemment, des manifestations neuromusculaires (faiblesse musculaire) et digestives (dysorexie, perte de poids) sont présentes [3].

Dans le cadre de l’évaluation d’une PuPd, après exclusion des causes les plus fréquemment rencontrées (diabète sucré, insuffisance hépatique ou rénale, infection uro-génitale, hypercorticisme), le dosage de la calcémie puis de la PTH permet d’affiner le diagnostic.

La calcémie ionisée est augmentée dans 91% des cas d’hyperparathyroïdie primaire comme chez notre chien [4]. Des valeurs usuelles de calcium ionisé n’excluent donc pas une hyperparathyroïdie primaire.

La phosphorémie est normale à diminuée en cas d’hyperparathyroïdie primaire.

La synthèse de PTH par les glandes parathyroïdes est régulée par la concentration plasmatique en calcium ionisé. Chez un chien normal, une baisse de la calcémie est à l’origine d’une augmentation de la sécrétion de PTH (hormone hypercalcémiante). L’augmentation de la PTH circulante entraîne une augmentation de la calcémie. Inversement, si la calcémie augmente, celle-ci est à l’origine d’un rétrocontrôle négatif et d’une inhibition de la sécrétion de PTH. Lors d’hyperparathyroïdie primaire, la parathyroïde ne répond plus au rétrocontrôle négatif. La valeur de PTH est alors normale à augmentée, malgré une hypercalcémie persistante.

Dans le cas d’une hypercalcémie maligne due à un processus néoplasique non parathyroïdien, la PTH est normale à basse, car l’hypercalcémie est due à la sécrétion d’une protéine apparentée à la parathormone (PTHrP). En cas de PTH normale, si la PTHrP est augmentée, elle permet d’écarter l’hypothèse d’un nodule parathyroïdien.

Comme dans le cas présenté, l’imagerie médicale est indispensable pour déterminer les anomalies présentes dans une ou plusieurs glandes parathyroïdes. L’échographie de la région cervicale est l’un des meilleurs outils diagnostiques ; elle permet de localiser avec précision la masse parathyroïdienne, dans 93 % des cas lorsque l’examen est réalisé par un imageur expérimenté [1].

L’exérèse chirurgicale est actuellement considérée comme le traitement de choix, avec un taux de succès de 94 à 100 % [5,6]. Comme pour notre chien, les adénomes parathyroïdiens métastasent rarement et l’exérèse est le plus souvent curative. Il peut être nécessaire de retirer une partie de la glande thyroïde afin de s’assurer d’obtenir des marges saines. De façon rare, certaines masses parathyroïdiennes peuvent ne pas être détectées par l’échographie cervicale et il est donc important d’examiner minutieusement chaque glande parathyroïde lors de la chirurgie.

Les techniques d’ablation percutanée échoguidée développées plus récemment nécessitent une anesthésie générale et un manipulateur expérimenté. L’un des inconvénients majeurs est qu’il n’est pas possible de réaliser un diagnostic histologique du tissu anormal avec cette méthode.

Dans notre cas, aucune complication post opératoire n’a été constatée. Cependant une hypocalcémie transitoire peut survenir suite à l’intervention chirurgicale et peut même s’avérer mortelle. Cette hypocalcémie postopératoire est secondaire à une atrophie des glandes parathyroïdes normales qui se développe lors d’hyperparathyroïdie primaire. L’administration de calcitriol permet de résoudre l’hypocalcémie dans la majorité des cas [3].

L’administration préventive de calcitriol est déconseillée en raison du risque de surdosage en vitamine D, ce qui peut entrainer une hypercalcémie et une hyperphosphatémie avec minéralisation des tissus mous, et entrainer des lésions rénales aigues [3].

Conclusion

Affection rare, l’hyperparathyroïdie primaire est le plus souvent secondaire à un adénome parathyroïdien. Le diagnostic est établi grâce la combinaison d’examens complémentaires selon une démarche rigoureuse. Comme le démontre ce cas clinique, le traitement chirurgical est associé à un excellent pronostic. Un suivi post opératoire adapté permet de limiter et gérer les complications.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
  1. Gear RNA, et coll. Primary hyperparathyroidism in 29 dogs : diagnosis, treatment, outcome and associated renal failure. J Small Anim Pract. 2005 ; 46 : 10-6.
  2. Kishi EN et coll. Functional metastatic parathyroid adenocarcinoma in a dog. Can Vet J. 2014 ; 55 : 383-8.
  3. Dear JD et coll. Association of hypercalcemia before treatment with hypocalcemia after treatment in dogs with primary hyperparathyroidism. J Vet Intern Med. 2017 ; 31 : 349-54.
  4. Feldman EC et coll. Pretreatment clinical and laboratory findings in dogs with primary hyperparathyroidism : 210 cases (1987-2004). J Am Vet Med Assoc. 2006 ; 227 : 756-61.
  5. Schaefer C, Goldstein RE. Canine primary hyperparathyroidism. Compend Contin Educ Vet. 2009 ; 31 : 382-9.
  6. Rasor L et coll. Retrospective evaluation of three treatment methods for primary hyperparathyroidism in dogs. J Am Anim Hosp Assoc 2007 ; 43(2) : 70-7.