Comportement : Prévenir la phobie des soins
Dr Stéphane BLEUER (CHV Saint-Martin)
Les soins vétérinaires sont au carrefour d’un paradoxe. Le soin a pour but l’amélioration du bien-être de l’animal alors que sa réalisation entraine un mal-être par la douleur ou la peur qui peut l’accompagner. Ce mal-être peut suivant sa fréquence, son intensité et les vulnérabilités de l’animal rapidement aboutir à une phobie des soins.
La phobie est un état pathologique émotionnel dans lequel une association se crée entre le contexte et la peur. De nouvelles connexions neuronales naissent dans l’amygdale, le centre cérébral de la peur. On parle aussi de conditionnement classique de la peur. Une fois ce conditionnement apparu dans l’amygdale, il est indestructible. Il faudra alors un long traitement utilisant les méthodes de désensibilisation, de contre conditionnent et une aide médicamenteuse pour développer de nouveaux apprentissages et de nouvelles cognitions à même d’affaiblir ce conditionnement et diminuer la peur.
De surcroit, la phobie des soins peut rapidement s’exprimer par de l’agression, rendant l’exécution des soins difficiles et dangereuse pour tout le personnel. Le chien ou le chat devient intouchable. Les propriétaires du fait de la phobie des soins hésitent aussi à venir consulter et cela peut compromettre la santé et le bien-être de leur animal.
C’est pourquoi l’attention de l’équipe soignante doit se porter autant que possible sur la prévention de la phobie des soins chez les patients venant consulter.
Quelles techniques, quels conseils pour prévenir autant que possible la phobie des soins ?
- Prévoir suffisamment d’espace pour donner à l’animal la possibilité de s’isoler
- Travailler sur rendez-vous pour éviter la surpopulation de la salle d’attente
- Si c’est possible créer des espaces d’attentes dédiées aux différentes espèces
- Éviter les passages incessants près des animaux en attente
- Éviter les bruits et les éclairages trop intenses
- Dans le cas du chien éviter les abords frontaux. Un premier contact assorti d’une friandise permet de créer immédiatement une relation positive.
- Laissez le propriétaire et l’animal entrer en salle de consultation et entrer à leur suite de façon à éviter une situation de confrontation. L’animal entrant dans une pièce fermée sera plus à l’aise si personne ne l’occupe au préalable
- Sauf si le chien est susceptible d’être agressif il est bon de lui laisser quelques minutes détaché pour explorer la pièce.
- Dans le cas du chat laisser la caisse de transport sur la table de consultation ouverte et laisser le chat sortir spontanément
- Un tapis de léchage doit être proposé avant toute manipulation que ce soit un chien ou un chat.
Dans le cas de NAC une nourriture attractive adaptée à l’espèce doit être utilisée. Cet instrument va servir à mesurer la coopération de l’animal. Tant que l’animal lèche le tapis les soins peuvent continuer (flèche verte), un arrêt du léchage signal une augmentation de la tension et il faut ralentir ou stopper la manipulation (flèche jaune). Les tentatives de fuite ou d’agression sont des alertes rouges qui montre que la phobie des soins est déjà présente, il faut en discuter avec les propriétaires. (NB. Certains NAC ne sont pas des espèces domestiques, la fuite ou l’agression sont des comportements normaux et inévitables dans leur cas)
- Pendant l’examen et les manipulations il faudra éviter les positions qui peuvent inquiéter l’animal. Se tenir sur le côté du propriétaire et non face au chien envoie un message d’apaisement et évite la confrontation.
- Les tables électriques qui s’abaissent jusqu’au sol permettant au chien de monter spontanément et les tapis de table antidérapant sont des éléments qui rajoutent du confort et de la sécurité.
L’observation de ces quelques mesures permettront de prévenir autant que possible la phobie des soins de s’installer. Il faut mettre en œuvre dès les premières consultations vaccinales sur les jeunes animaux.
Pour conclure soulignons deux choses importantes. La première est qu’il n’est pas normal qu’un chiot ou un chaton montre des signes de peur excessif dès la première consultation. Il faut alors avoir une discussion avec les propriétaires (cf. les 4 axes du comportement).
La seconde est qu’on ne peut pas maitriser tous les éléments susceptibles d’entrainer de la douleur ou de la peur pendant le parcours de soin et même dans un parcours qui semble parfait l’animal peut se sensibiliser et développer une phobie. C’est souvent le cas chez le chat espèce pour laquelle la peur est vite envahissante et chez certains chiens ayant une vulnérabilité génétique particulière à développer des peurs.
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Masson, S., Bleuer-Elsner, S., Muller, G., Medam, T., Chevallier, J., Gaultier, E., 2023. Psychiatrie vétérinaire du chien. No Ledge.
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https://noledge-editions.com/produit/psychiatrie-veterinaire-du-chien/
Credits illustrations : Menelia Vasilopoulou Kampitsi