Comportement : La première consultation du chiot de 8 à 12 semaines
Dr Stéphane BLEUER (CHV Saint-Martin)
Les consultations de médecine préventive jouent un rôle crucial dans la santé de nos jeunes patients canins. Elles sont essentielles pour assurer le bien-être actuel et futur. Tout comme nous prenons soin de détecter et prévenir les maladies infectieuses, digestives, dermatologiques ou encore cardiaques, chez nos patients les plus jeunes, il est tout aussi important d’inclure les troubles psychiatriques dans ce processus.
Comment inclure une vérification de la santé comportementale du chiot lors de la première consultation de médecine préventive ?
Le vétérinaire comme l’ASV peuvent évaluer la santé mentale du chiot en vérifiant quatre axes comportementaux : la peur, les autocontrôles, l’attachement et l’insertion sociale (cf. newsletter 1).
La période de 8 à 12 semaines est une période critique dans le développement comportemental. L’axe de la peur et celui des autocontrôles feront l’objet d’une attention particulière mais les 4 axes devront être vérifié.
Plus les comportements du chiot s’éloignent de la zone verte sur un ou plusieurs axes, plus sa santé mentale est compromise. Les zones rouges sont les zones extrêmes dans lesquelles les agressions apparaissent. C’est un signe d’alerte grave, une prise en charge rapide devra alors être proposée.
A cet âge, un chiot normal est curieux et demandeur de contact. Il peut montrer des signes de peur face à des objets, des inconnus ou des situations nouvelles, mais il doit très vite montrer des signes de récupération et de curiosité. Dans la salle d’attente comme en consultation, il doit pouvoir explorer l’environnement sans signe de peur et se laisser manipuler sans problème par l’équipe soignante.
Il n’est pas normal que le chiot montre des signes de peur intense, tremble, cherche à se cacher ou soit agressif pendant les manipulations.
A cet âge, un chiot normal développe son contrôle moteur, parvient à ne pas réagir à tous les stimuli, peut se concentrer et apprendre. Dans la salle d’attente comme en consultation, il peut être encore maladroit, mordiller, ou chercher le contact un peu brutalement. Mais il se calme vite si on le maintient, il répond rapidement à la friandise et un assis est facile à obtenir.
Il n’est pas normal qu’un chiot mordille fortement, voir blesse malgré les tentatives éducatives des propriétaires. Il n’est pas normal qu’il lui soit difficile de retenir son attention rendant tous les apprentissages longs voire impossibles. Enfin, l’apparition d’agression par frustration notamment lors de la contention est un signe d’alerte grave.
Si l’apprentissage des règles familiales s’étend le plus souvent bien après cette période, le chiot de 8 à 12 semaines doit connaitre les rituels de communication permettant d’approcher une ressource comme la nourriture, le lieu de repos ou les prises de contact. Il le fait généralement plutôt en prenant une position basse (oreilles collées sur le crâne, ventre près du sol) tout en remuant la queue.
Il est tout à fait anormal qu’un jeune chiot menace, voire tente de mordre, autour des ressources précitées. Il est tout aussi anormal que le chiot de cet âge grogne ou tente de mordre lorsqu’il est réprimandé, tant que la réprimande n’inclut ni peur ni douleur.
Séparé de sa mère et de sa portée, le chiot tisse rapidement un lien d’attachement avec ses propriétaires. Ces derniers deviennent la base de sécurité qui permet au chiot de se rassurer, gagnant ainsi en confiance pour s’exposer à des stimuli inconnus. Il est normal que les premiers jours, le chiot recherche la proximité de ses propriétaires et exprime des signes de détresse s’il est ou se croit seul. Ces comportements doivent rapidement disparaitre.
Il est anormal que quelques jours après l’adoption le chiot soit incapable de s’isoler calmement et vocalise dès que les propriétaires disparaissent de son champ de vision.
Un chiot de 8 à 12 semaine ne doit donc pas montrer de peur excessive mais beaucoup de curiosité. Il peut encore mordiller, faire quelques dégâts, mais il est facile de l’arrêter et il apprend facilement les ordres simples. Il ne présente aucune agressivité et s’il cherche la proximité de ses propriétaires, il peut s’isoler spontanément sans signe de détresse. Une déviation de ce rapide tableau du chiot équilibré doit faire l’objet d’une discussion avec les propriétaires conduisant à une surveillance ou une prise en charge immédiate selon l’importance des symptômes.
C’est aussi le bon moment pour rappeler aux propriétaires que les bonnes méthodes éducatives ne doivent inclure ni la peur ni la douleur. Le renforcement positif est de règle (la récompense à la fin de la séquence comportementale souhaitée), en cas de bêtise, l’isolement social est la règle (isolement dans le panier jusqu’à autorisation contraire). Les punitions physiques ou les colliers pouvant induire de l’inconfort ou de la douleur sont à proscrire absolument.
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Masson, S., Bleuer-Elsner, S., Muller, G., Medam, T., Chevallier, J., Gaultier, E., 2023. Psychiatrie vétérinaire du chien. No Ledge.
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https://noledge-editions.com/produit/psychiatrie-veterinaire-du-chien/
Credits illustrations : Menelia Vasilopoulou Kampitsi