La hernie diaphragmatique congénitale

Dr Caroline KOHL – Dr Luis MATRES LORENZO – Dr Fabrice BERNARD (CHV Saint-Martin)

Un chat mâle Maine Coon de 2 ans a été présenté au Centre Hospitalier Vétérinaire pour abattement et dyspnée évoluant depuis deux semaines. Aucun antécédent de traumatisme n’avait été rapporté par les propriétaires.

Examen clinique

L’animal était en bon état général mais avec une dyspnée modérée plutôt inspiratoire. Une augmentation des bruits respiratoires était présente à l’auscultation des champs pulmonaires, sans bruits surajoutés. La palpation abdominale et l’auscultation cardiaque ne révèlèrent aucune anomalie.

Examens complémentaires

L’analyse biochimique de base n’a pas démontré d’anomalie.

Les radiographies thoraciques ont révélé la présence d’une zone d’opacité liquidienne hétérogène bien délimitée, caudalement à la silhouette cardiaque, évoquant une masse pulmonaire, médiastinale ou pleurale.

Cliché radiographique thoracique (vue latérale droite)

Cliché radiographique thoracique (vue ventro-dorsale)

Le diagnostic différentiel inclus un processus néoplasique mais également une hernie diaphragmatique. L’abcès et le granulome ne sont pas exclus, bien que la taille importante de cette possible masse n’en fasse pas les hypothèses principales.

En raison de la forte suspicion de processus néoplasique pulmonaire, un examen tomodensitométrique du thorax et de l’abdomen est réalisé sous anesthésie générale. Celui-ci permet en fait de mettre en évidence une hernie dans la cavité thoracique : les images montrent un relâchement de la paroi ventrale du diaphragme créant alors un véritable sac dans lequel une portion importante de l’intestin grêle est engagée.

Examen tomodensitométrique (Coupe frontale)

Examen tomodensitométrique (Coupe sagitale)

Examen tomodensitométrique (Coupe transverse)

Traitement

Une intervention chirurgicale est immédiatement proposée et acceptée par les propriétaires. Une laparotomie médiane crâniale est donc réalisée : la hernie est localisée en région ventrale. L’omentum et une partie de l’intestin grêle sont engagés dans le sac herniaire, l’ensemble engagé dans le thorax. Les anses intestinales sont réclinées dans l’abdomen, ce qui permet la visualisation du sac herniaire. Aucune brèche entre le thorax et l’abdomen n’est mise en évidence. Le sac herniaire étant en continuité avec le ligament falciforme, la hernie est réduite caudalement en tirant sur ce ligament. Le diaphragme est finalement suturé à la paroi abdominale ventrale avec un fil monofilament non résorbable.

Omentum et intestin grêle engagés dans le thorax

Sac herniaire visible après avoir récliné les intestins

Réduction du sac herniaire

Suture du diaphragme à la paroi abdominale ventrale

Outre un traitement médical (anti-inflammatoire et antibiotique), le repos strict est prescrit (accès à l’extérieur interdit pendant un mois, éviter les sauts, jeux, courses…) pendant 4 semaines après l’intervention.

Suivi

Le chat n’a présenté aucun signe de récidive de dyspnée au cours de la période de suivi d’un an après l’intervention.

DISCUSSION

Les hernies diaphragmatiques chez le chat sont la plupart du temps acquises suite à un traumatisme (1, 3, 9). Il existe également des hernies congénitales dues à une malformation d’une portion du diaphragme ou à un défaut de fusion des deux parties du diaphragme primitif. Plusieurs hernies diaphragmatiques congénitales sont décrites chez le chat : la hernie péritonéo-péricardique qui est la plus courante, la hernie hiatale, la hernie pleuro-péritonéale (plus rare), la hernie sub-sternale, voire l’absence totale ou partielle de diaphragme (1,3). On oppose la hernie « vraie » (hernia diaphragmatica vera) où l’organe hernié est contenu dans un sac pleuro-péritonéal (comme c’est souvent le cas lors de hernie congénitale) et la hernie diaphragmatique « fausse » (hernia diaphragmatica spuria) où l’organe est libre dans l’espace pleural. Dans le cas de notre chat, étant donné la présentation et l’absence de véritable brèche thoracique, il s’agit d’une hernie diaphragmatique « vraie », une origine congénitale reste donc l’hypothèse la plus probable. La question se pose donc quand à la raison de cette soudaine décompensation chez notre patient puisque, aux dires des propriétaires, celui-ci n’avait jusqu’alors présenté aucun symptôme. Il est fort probable que des anses digestives supplémentaires soient soudainement passées dans le sac herniaire, entrainant alors une dyspnée.

Notons que d’après une étude de Banz et Gottfried concernant les hernies péritonéo-péricardiques, les races à poils longs et en particulier la race Maine Coon apparaissent comme des races dites « à risque » pour ce type de hernie (2). Il est possible que cette race présente une prédisposition aux malformations diaphragmatiques, et donc à toute sorte de hernie congénitale.

Dans le cas de notre patient, le diagnostic de hernie diaphragmatique aurait pu être établi grâce à l’utilisation de techniques d’imagerie plus accessibles que la tomodensitométrie. En effet, la réalisation d’une échographie permet souvent de voir une interruption ou une anomalie du diaphragme, ainsi que l’identification des organes herniés et notamment la mise en évidence d’un péristaltisme si des anses digestives sont concernées. Concernant les radiographies thoraciques, il semblerait qu’au moins deux voire trois incidences soient nécessaires pour établir un diagnostic valide (4). Ici les signes radiographiques de hernie n’ étaient pas assez clairs ; on observe classiquement une interruption de la silhouette diaphragmatique, une augmentation de l’opacité thoracique avec disparition du contraste entre la silhouette diaphragme et foie et la silhouette pulmonaire, un collapsus d’un lobe pulmonaire, un déplacement ou une disparition de la silhouette cardiaque, un épanchement pleural, ou encore un déplacement crânial des organes abdominaux (5). Des radiographies avec produit de contraste par voie orale (sulfate de baryum par exemple) auraient également pu être utilisées chez notre chat pour mettre en évidence le passage d’une partie du tractus digestif dans la cavité thoracique (3, 8). Plusieurs protocoles de péritonéographie à contraste positif sont aussi décrites (7, 8) : elles consistent en l’injection de 1 à 2mL/kg de produit iodé dans la cavité péritonéale. La suspicion de hernie diaphragmatique est alors confirmée lors de passage de produit de contraste dans la cavité pleurale. Il peut cependant exister des faux négatifs lorsqu’un organe étranglé obstrue la brèche diaphragmatique.

Cependant, l’hypothèse initiale de masse pulmonaire justifie ici le choix de l’examen tomodensitométrique, qui aurait permis de rechercher la présence d’éventuelles métastases, mais également de délimiter de façon précise la masse afin d’évaluer la possibilité d’une exérèse chirurgicale.

Ainsi, l’examen tomodensitométrique présente un réel intérêt chez les patients chez qui les signes radiographiques et échographiques ne sont pas assez clairs pour établir le diagnostic ; en effet, sur la base uniquement de radiographies, la présence d’une zone d’opacité tissulaire dans le champ pulmonaire caudal peut orienter vers un mauvais diagnostic, notamment celui d’un processus néoplasique (6, 9). Cet examen permet également de définir la nature des tissus herniés et d’évaluer d’éventuelles lésions pulmonaires associées (6).

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
  1. Bellah JR. Diaphragmatic Hernias. Standards of care : Emergency and critical care medicine. 2005, Vol. 7,5.
  2. Banz AC, Gottfried SD. Peritoneopericardial Diaphragmatic Hernia : A Retrospective Study of 31 Cats and Eight Dogs. Journal of the American Animal Hospital Association. 2010, Vol. 46 : p 398-404.
  3. Labarde C. Le radiodiagnostic de la hernie diaphragmatique chez le chat : revue d’imagerie. Thèse d’exercice, Médecine vétérinaire, Ecole Vétérinaire de Toulouse – ENVT. 2011, 123 p.
  4. Hyun C. Radiographic diagnosis of diaphragmatic hernia: review of 60 cases in dogs and cats. Journal of Veterinary Science. 2004, Vol. 5(2) : 157–162.
  5. Kealy JK, Mc Allister H. Radiographie et Echographie du chien et du chat. Med’com. 2008, Chap. 3 : p 220-223.
  6. Liste F, Álvarez-Clau AM, Carrillo JM, Gil L, Calbet MA, Balastegui MT,  Monteagudo S. What Is Your Diagnosis? Journal of the American Veterinary Medical Association. 2011, Vol. 238(5) : p 569-570.
  7. Stickle RL. Positive-contrast celiography (peritoneography) for the diagnosis of diaphragmatic hernia in dogs and cats. Journal of the American Veterinary Medical Association. 1984, Vol. 185(3) : 295-298.
  8. Thrall DE. Textbook of Veterinary Diagnostic Radiology, 6th edition, Elsevier Science Health Science Division. 2012, Chap 29 : p 535-550.
  9. White JD, Tisdall PLC, Norris JM, Malik R. Diaphragmatic hernia in a cat mimicking a pulmonary mass. Journal of Feline Medicine Surgery. 2003, Vol. 5 : 197–201.
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