ECG : Quel est votre diagnostic ?
Dr Laurianne PONCET, Dr Anne-Charlotte BARROT (CHV Saint-Martin)
Une chienne Welsh Corgi Cardigan de 17 ans est présentée pour une chirurgie de la cataracte de l’œil droit. En dehors du problème oculaire, aucune anomalie n’est notée à l’examen clinique général. L’anesthésie est induite par une injection intra-musculaire de médétomidine (40 µg/kg) et de kétamine (4 mg/kg), puis un relais anesthésique gazeux à l’isoflurane est mis en place après intubation endotrachéale. Le monitoring anesthésique se fait par capnographie, oxymétrie et ECG.
Commenter l’enregistrement du tracé ECG suivant et nommer l’anomalie mise en évidence. A quoi est due cette anomalie dans notre cas ?
Quel traitement mettre en place et quel est le pronostic ?
Interprétation du tracé
L’onde P est non suivie d’un complexe QRS (encerclé), l’intervalle P-R des complexes P-QRS précédents (l’onde P non suivie) est constant : Ceci traduit un bloc atrio-ventriculaire de second degré de type Mobitz II. Pour ce cas clinique, il s’agit d’un effet secondaire décrit lors d’utilisation d’alpha2-agonistes. L’élimination ou la réversion de l’anesthésique résout en général l’arythmie. Bien que ce type de bloc soit la plupart du temps de pronostic réservé, il est ici de bon pronostic et aucun traitement n’est nécessaire.
Les blocs atrio-ventriculaires sont des anomalies de conduction fréquentes chez les animaux de compagnie. Il s’agit de retards ou d’arrêts de conduction (transitoires ou permanents) entre l’atrium et le ventricule, plus précisément, entre le nœud atrio-ventriculaire et le faisceau de Hiss. Il en existe trois types.
Les blocs de premier degré sont un simple retard de conduction atrio-ventriculaire, ils peuvent être transitoires ou permanents. Le diagnostic ECG repose sur la présence d’un intervalle PR augmenté (supérieur à 0,13 s) associé à un rythme sinusal. Il s’agit en général de découvertes fortuites sans manifestation clinique et ne nécessitant pas de traitement. Néanmoins, leur diagnostic attire l’attention sur les causes possibles de retard de conduction (affections cardiaques sévères endommageant le nœud atrio-ventriculaire, blocs iatrogéniques suite à un surdosage en digitaliques ou en anti-arythmiques,…).
Les blocs de second degré correspondent à des interruptions complètes mais non-permanentes de la conduction atrio-ventriculaire. Il en existe deux sous-types :
- Les blocs de second degré de type Mobitz I sont caractérisés par un allongement progressif de l’intervalle PR jusqu’à ce que la conduction soit bloquée, on observe alors un P non suivi d’un QRS. Ces anomalies sont le plus souvent asymptomatiques et sont en général de bon pronostic.
- Les blocs de second degré de type Mobitz II montrent quand à eux un intervalle PR constant et des interruptions de conduction (onde P non suivie de QRS) transitoires. La proportion d’ondes P conduites par rapport aux ondes P bloquées caractérise la sévérité du bloc. Ce type d’anomalie est en général associé à des signes cliniques variables allant de l’intolérance à l’effort aux syncopes, même au repos. Le pronostic dépend de la cause de l’arythmie.
Les blocs de troisième degré sont des interruptions complètes et permanentes de la conduction. La dépolarisation ventriculaire suit alors un rythme d’échappement qui lui est propre et il y a une complète dissociation entre la contraction des oreillettes et des ventricules. Le diagnostic ECG est basé sur une absence complète d’ondes P conduites et sur un rythme ventriculaire (complexes QRS larges) lent et le plus souvent régulier (20 à 70 bpm). Les animaux sont en général symptomatiques avec de fortes intolérances à l’effort, de la fatigabilité voire des syncopes et des morts subites.
Les causes de blocs atrio ventriculaires sont diverses. Les blocs de premier degré et de second degré type Mobitz I sont le plus souvent fonctionnels (tonus vagal élevé chez des individus sains, hyperkaliémie, effet dromotrope négatif des digitaliques, des anti-arythmiques ou des anesthésiques alpha-2 agonistes) ou moins fréquemment dus à des affections cardiaques avec dilatation atriale et lésions du nœud atrio-ventriculaire. Les blocs de second degré de type Mobitz II ou les blocs de troisième degré, quand à eux, sont parfois fonctionnels mais sont plus communément associés à une lésion structurelle ou inflammatoire (endocardite, myocardite traumatique ou non,…).
Le traitement des blocs tient donc tout d’abord au traitement de la cause sous jacente. Les blocs de premier degré et de second degré de type Mobitz I, souvent asymptomatiques, ne nécessitent pas de traitements supplémentaires. Concernant les blocs de stade plus avancés nécessitant un traitement symptomatique, aucune drogue ne permet de réverser médicalement les arythmies, l’implantation chirurgicale d’un pace maker est le seul traitement de choix. Une fois le pace maker fonctionnel, le pronostic est bon.
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